Festival Paris Cinéma 2012 [06/07/12 — Journal de bord 8] : Les délibérations & Allen Fong

© FredMJG

Palmarès du Jury des blogueurs et du Web en orbite et premier couac. Damned ! Grand jour des délibérations* sous la houlette de notre bon Jérome Drago, toujours sur la brèche, et qui nous avait donné rendez-vous sur la terrasse du Limelight — sous le soleil exactement — où nous nous retrouvâmes flanquées de brioches, mignardises et autres douceurs fruitées, ces friandises excellant à ouvrir l’esprit et à rendre fort bon enfant quelques discussions qui s’avérèrent fructueuses.

Il ne fallut pas plus d’un vote pour exclure définitivement quelques films de notre liste de favoris mais il est à noter que chacun eut sa chance et son compte de soutiens. Sauf un — qui se retrouve au palmarès — et qui a fait l’unanimité contre lui sans que nous ayons besoin de trop nous concerter. Rien que le souvenir de notre fuite éperdue dans le noir évoque bien la détresse et la totale incompréhension ressenties devant cette chose.

De mémoire, Tabou de Miguel Gomes arrivait en tête, talonné par Our homeland et A simple life. De bonnes ondes se dégageaient également pour Rebelle, voire pour Historias.

Après moult échanges, nous convînmes que le très beau film de Ann Hui, de par son universalité, serait sans nul doute plébiscité par le public du Festival (qui se trompe rarement). Bingo !

Restaient donc en lice Tabou et Our homeland que d’ardents défenseurs ne voulaient point abandonner… au grand dam d’un certain qui commença à avoir des suées et sa veste de survêtement n’y était pour rien.

Second et dernier vote : Miguel est en tête avec 4 voix mais Yong-hi refuse de lâcher prise avec 2 voix. Nous sommes 5 dans le jury, cherchez l’erreur. Puis apprenez qu’il est bon de s’obstiner parfois. Car en désespoir de cause, nous nous tournons vers Jérome, notre éventuel sauveur, aux fins de resquiller un lot de consolation pour Our homeland et offrir, ainsi, sans regret aucun ni futur remords notre grand prix au croco portugais.

Le temps devenant peu clément, nous nous réfugions à l’intérieur  et attendons patiemment la venue d’Aude Hesbert et Caroline Vautrot qui doivent nous confirmer que nous pouvons offrir un coup de cœur — qui n’a jamais aussi bien porté son nom, tant le film en a ému plus d’une — à Our homeland. Ce qui fut fait. Au soulagement de tous.

En mode détente totale après un devoir accompli sans cris ni larmes mais dans la joie et une bonne humeur constante, nous décidons de tous nous retrouver pour diner le dernier jour du festival avant la projection de Jane Eyre de Cary Fukunaga avec vous-savez-qui.

Puis, voilà Noémie qui se met en tête de lancer un palmarès plus-WTF-tu-meurs et nous fait bûcher, tout en nous mitraillant à l’occasion pour parachever son roman-photo du festival.

Une des charmantes barmaids ne trouve rien de mieux que de nous offrir un verre. Le petit blanc sec est excellent et agit brusquement comme un euphorisant sur mon estomac qui crie famine. La chouquette ne nourrit pas sa femme ou son gars en survet’, il fallait que ce soit dit. Nous avons désormais tous un petit creux et décidons de nous restaurer aux bons soins du Festival.

La conversation allant bon train — et la rigolade éhontée itou —, j’en oublie l’heure ou presque et laisse passer la projection de High noon de Heiward Mak prévue à 14h. Vous pouvez lire un avis sur ce film chez L’impossible blog ciné puisque son taulier le vit mercredi, jour de projection de The system et Just like weather. Les choix, parfois, sont cornéliens.

Alors que que Noémie nous avait quittés bien plus tôt, attendue qu’elle était au Festival de La Rochelle la veinarde, mes acolytes Valérie, Anna, et Chris partirent en milieu d’après-midi vaquer à leurs occupations et, tandis que j’abandonnais Jérome à son dur labeur de CM, je m’en allais — toujours bien guillerette — découvrir un vrai petit bijou, soit Father and son, le premier film d’Allen Fong.

* Mes préférences dans l’ordre : Tabou de Miguel Gomez & Our homeland de Yong Yang-hi ex-aequo, A simple life de Ann Hui, The king of pigs de Yeun Sang-ho (si mal aimable qu’il n’eut pas l’heur de plaire), Rebelle de Kim Nguyen, Historias de Julia Murat (bien lent à démarrer), Beyond the hill d’Emin Alper (à la fin complètement ratée).

© HKFA

17h. Father and son/Foo ji ching de Allen Fong_1981
avec Shi Lei, Chu Hung, Lee Yue-tin, Cheng Yu-or et Yung Wai-man

Les 400 coups d’Allen Fong. Avant de faire improviser ses acteurs sur une trame minimaliste — Just like weather —  ou dans un docu-fiction peu ou prou inspiré de leurs propres vies — Ah Ying —, Allen Fong fut, pour son premier film, son propre sujet d’observation.

Father and son, à haute teneur autobiographique, possède déjà les qualités intrinsèques d’un metteur en scène soucieux de creuser inlassablement le sillon d’une vérité sociale faite d’interrogations permanentes, de souci documentariste et de travail sur la mémoire, qu’elle soit collective ou individuelle. Et partant, de l’éternel conflit entre ancien et moderne, traditions ancestrales versus aspirations de la jeunesse.

Situant notamment un long flash-back dans le Hong Kong des années 60/70, il est étonnant de remarquer que la vision d’Allen Fong n’est pas très éloignée de celle qu’un Patrick Lung-Kong mis en œuvre en 1967 dans son polar Story of a discharged prisonner où filmant une société à double vitesse, il se préoccupa du sort des familles modestes n’ayant d’autre choix que d’habiter en marge de la ville dans d’insalubres bidonvilles. Au risque de voir détruire en une nuit tous les fruits de leur labeur.

L’un de ces pères si soucieux de voir réussir leur progéniture quitte à les éduquer avec trop de rigueur s’écroule victime d’une crise cardiaque au moment où il apprend que son fils — qui poursuit des études aux Etats-Unis comme le fit Allen Fong — a réussi ses examens. Pour faire court, il meurt de joie. Au grand dam du fiston qui a manifestement une revanche à prendre sur un paternel rigide jusqu’à l’injustice et qui a de tout temps tenté de brimer ses aspirations.

Les souvenirs affluent alors, d’une enfance et d’une adolescence vécues comme une longue dispute — brimades, rébellions et répressions permanentes — minant jusqu’aux fondations d’une famille où l’aînée se sacrifiera volontiers pour que le cadet puisse accéder à ses aspirations — cliché absolu du mélodrame cantonais —, querelle que la mort seule rendra caduc.

C’est que caramba ! le rejeton, faisant fi de réussite sociale, ne rêve dès son plus jeune âge que de devenir saltimbanque, attiré comme une phalène par les écrans des cinémas dans lesquels il s’introduit parfois subrepticement en compagnie de son meilleur ami, mauvaise graine en puissance, avec qui il va partager sa passion enflammée — parfois littéralement, la démonstration d’une lanterne magique artisanale fichant le feu un beau jour à la chambre des gamins — pour les jeux d’ombre.

Les 400 coups des deux garnements sont filmés avec la plus grande des tendresses par Allen Fong qui entame ainsi sa déclaration d’amour au cinématographe avec une fraicheur et une liberté telles, qu’elles nous transportent et nous renvoient élégamment à notre propre jeunesse, à cet instant précis où nous furent nous-mêmes irrémédiablement fascinés par les premières images (é)mouvantes projetées sur un mur blanc.

Pour un peu, nous souhaiterions rembobiner le film et en modifier la fin. Car qu’advient-il de la douleur et des désirs de réconciliation lorsque l’un des deux adversaires est désormais hors de combat ?

© Hong Kong Film Archive

Ne voulant pas rater Grace Chang dans The wild, wild rose, libre adaptation de l’opéra Carmen de Bizet par Wong Tin-lam — un grand mélodrame que l’on dit magnifique — prévu au programme et projeté au Forum des Images, me revoilà cavalant et toujours quelque peu peu ivre dans les couloirs de la ligne 14.

Résultat des courses : pas de Carmen qui tienne.

Car, après une alerte incendie déclenchée manifestement par erreur, et tandis que nous attendons fous d’espoir pendant une bonne demi-heure que le film démarre, la projection est purement et simplement annulée au regret des spectateurs (le film ne repassera pas puisqu’il s’agissait aujourd’hui de la seconde et ultime séance).

Les pompiers dépêchés sur les lieux arrivaient d’ores et déjà alors que je rentrais chez moi, si déçue, que j’en oublie sous le choc que j’avais prévu d’aller dénicher le trésor sur une île ruizienne. Une fois arrivée, je n’ai pas le courage de repartir au Nouveau Latina. Surtout que le week-end qui approche ressemble fort à un infernal marathon.

Adieu donc Melvil, Anna, Martin, Lou, Jean-Pierre et Sheila (oui, je suis sûre que L’ile au trésor vaut le coup d’être découverte).

A suivre…

Si vous avez raté le début

  • Avant première de Holy Motors de Léos Carax
  • Teaser
  • Jour 1 — vendredi 29 juin 2012 — avec Jeff Mills, André Sauvage & Herman Yau
  • Jour 2, Part 1 — samedi 30 juin 2012 — avec Roman Cheung, Nam Nai-choi, Herman Yau & Chin Man-kei
  • Jour 2, Part 2 — samedi 30 juin 2012 — avec Ann Hui, Yuen Wo Ping, Wu Ma, Miguel Gomes & Yeun Sang-ho
  • Jour 3 — dimanche 1er juillet 2012 — avec Ann Hui, Clara Law, Ringo Lam, Bence Fliegauf & Khavn de la Cruz
  • Jour 4 — lundi 2 juillet 2012 — avec Patrick Tam, Michael Hui, Yang Yong-hi, Tom Shu-yu Lin & Yim Ho
  • Jour 5 — mardi 3 juillet 2012 — avec Raoul Ruiz, Kim Nguyen & Julia Murat
  • Jour 6, Part 1 — mercredi 4 juillet 2012 — avec Wu Ma & Kirk Wong
  • Jour 6, Part 2 — mercredi 4 juillet 2012 — avec Patrick Lung-Kong, Peter Wai-Chuen Yung & Allen Fong
  • Jour 7 — jeudi 5 juillet 2012 — avec Patrick Tam, Ann Hui, Elmin Alper & Allen Fong

Et le palmarès du Festival Paris Cinéma 2012