Nous sommes tes pères. Hwayi est un petit veinard. Alors que pléthore de lardons peinent à se faire reconnaître de leurs imprudents géniteurs, voilà qu’il est considéré comme un fils par rien moins que cinq malandrins.
Ces infréquentables espèrent bien en faire leur héritier putatif et tout un chacun de lui avoir appris sa « spécialité » : affairiste, as de la conduite, tueur à gages, cambrioleur et plus si affinités. Estimant, comme toute bonne tribu qui se respecte, qu’il est temps que le chérubin — Yeo Jin-goo, 16 ans au compteur, qui tient la dragée haute aux vétérans qui l’encadrent — jette sa gourme, abandonne toute innocence et signe son examen de passage à l’âge adulte dans le sang, les voici qui se mettent en tête de lui faire abattre un couple désigné par la vindicte d’une crapule politicarde (pléonasme).
Mais le joli rejeton a l’âme trop sensible, rêve d’études artistiques et d’amours adolescentes, et découvre peu à peu la vérité sur sa singulière adoption. Ses dons naturels brusquement entravés par une faille psychosomatique remontant à un trauma d’enfance, Hwayi devient la proie d’une lutte intérieure entre le respect qu’il doit à ses paternels et l’angoisse que ressurgisse des abîmes de son inconscient le monstre de ses 5 ans qui le paralyse dès lors qu’il essaie de mettre ses pas dans les pas de ses pères.
Sommé par le plus vicieux d’entre tous — Kim 3615 Crevure Yun-seok — de choisir entre une vie d’assassin, idée qui va à l’encontre de ses doux principes, ou une exécution pure et simple avant sa majorité, l’élève va bientôt dépasser les maîtres qui ont de leur côté fort à faire en querelles intestines et contrats à honorer.
Monster Boy: Hwayi est la seconde réalisation de Jang Joon-hwan qui se réveille au bout de dix ans. Son premier opus, réalisé en 2003, Save the green planet, l’aventure totalement ouf d’un jeune siphonné ayant voué son existence à pourfendre les aliens déguisés en hommes d’affaires, est devenu une œuvre culte, autant pour son scénario aberrant que sa réalisation épileptique. Passons sous silence son bide retentissant. Depuis, calme plat ou presque.
Il revient ici aux affaires, pourfendant toujours, un humour féroce en bandoulière, l’hypocrisie ambiante et les classes dirigeantes avec cette histoire qui finalement n’est pas aussi invraisemblable qu’on le soupçonne de prime abord, mais réserve quelques coups de théâtre pas piqués des hannetons.
Jouant tour à tour le chaud et le froid par des ruptures de ton souvent déconcertantes, Monster boy: Hwayi est un conte de fées pervers où notre petit prince au bois dormant remonte le fil de ses origines tel un Petit Poucet quelque peu désaxé et nous fait autant rire que frémir. L’occasion pour le réalisateur d’offrir à un Kim Yun-seok terrifiant le rôle de l’ogre. L’acteur en revêt avec aisance les oripeaux, armé de sa triste face de Droopy psychopathe et d’un cynisme d’égorgeur diplômé. Ce garçon a l’art et la manière de flanquer la trouille en un minimum d’efforts.
Mâtiné de fantastique — le monstre tentaculaire qui peuple les cauchemars de notre choupinet prend vie sous nos yeux —, Monster Boy: Hwayi est un thriller d’excellente facture, même si l’on peut regretter un flashback d’une longueur intempestive brouillant un tantinet les cartes, qui répond au cahier des charges établi depuis des décennies en Corée du Sud : cris et vociférations, brutalités envers les dames, violence souvent parfois gratuite, sentimentalisme exacerbé, bain de sang chorégraphique et twist légendaire.
Il est donc fort dommage que la vague coréenne semble définitivement appartenir au passé pour les distributeurs et que le film soit directement sorti en DVD en octobre dernier. Le grand écran lui sied pourtant si bien.
Pour mémoire, Monster Boy: Hwayi a été projeté à L’Etrange Festival 2014 et au FFCP 2014 dans le cadre d’un Focus honorant ce coquin de Kim Yun-seok, également à l’affiche du film d’ouverture, Haemoo de Shim Sung-bo.
Monster Boy: Hwayi/Hwayi: Gwimuleul samkin ahyi de Jang Joon-hwan_2014
avec Yeo Jin-goo, Kim Yun-seok, Jo Jin-woong et Jang Hyun-sung