Bellamy de Claude Chabrol

Jacques Gamblin & Gérard Depardieu dans Bellamy de Claude Chabrol © TFM Distribution

Bel ennui. Le cinéma de Claude Chabrol n’est jamais aussi bon que lorsque le réalisateur décide d’être cruel avec ses personnages.

Las, avec Bellamy, rôle taillé sur mesure pour Gérard Depardieu à qui il prête certains traits de leurs caractères respectifs (l’amour de la bonne bouffe, des vignobles, des dames… et l’horreur des voyages), le pourfendeur de la bourgeoisie provinciale s’est sacrément adouci (du moins en apparence, son film étrange s’achevant dans une noirceur des plus misanthropes…) et finit par ennuyer* avec une mise en scène poussive, à l’image de son commissaire aux neurones ralentis par la lumière trop crue du soleil nîmois et un physique somme toute aux proportions effarantes…

Le cœur n’a plus l’air d’y être et l’on se fiche comme d’une guigne (et Chabrol aussi sans doute aucun) de savoir qui a tué quoi et pour qui dans cette invraisemblable histoire d’arnaque à l’assurance. Certes, ce diable d’homme filme avec tendresse l’extravagante carcasse de Gérard Depardieu (bien loin de son interprétation en roue libre dans Diamant 13 de Gilles Béhat. Manifestement, le Gégé est content d’être là, c’est déjà ça !) et réussit à nous faire aimer son personnage, gros matou priapique, jaloux et égoïste. Ce n’est pas le moindre de ses talents… Par contre, on a parfois la sensation que le film a été tourné durant la digestion de l’équipe tant le rythme est mou, sans atteindre toutefois le mystère et la perversité qui transparaissent dans le jeu de Bruno Cremer, monumental commissaire Maigret télévisuel auquel le film rend indirectement hommage (le film est dédié à deux Georges, Brassens et Simenon).

Tout occupé à cadrer sa grosse bête envahissante, le réalisateur en oublie les comparses… et si l’acteur, plein de délicatesse, offre l’opportunité de briller à ses imposants côtés à l’exquis casting féminin, il n’en est pas de même pour les garçons qu’il étouffe allègrement. Clovis Cornillac, tout en aigreur avinée, essaie vainement d’exister face au facétieux couple Bunel/Depardieu et Jacques Gamblin (dans un triple rôle, quelle folie !) se perd sous ses masques divers et sombre dans l’hystérie et le parlé faux.

Les dames donc, comme toujours chez Claude Chabrol, s’en sortent finalement beaucoup mieux, à des degrés divers. Les deux Marie, Bunel et Matheron, nous offrent chacune une partition sans faute. Vahina Giocante, superbe, tente de renouveler son personnage de tentatrice mais se fait allègrement voler la vedette par une Adrienne Pauly, acide et excentrique (dans le rôle de Claire Bonheur… comment rater une interprétation avec un patronyme pareil !).

Ajoutons à cela une scène de plaidoirie qui vire à l’absurde (Rodolphe Pauly n’y pousse-t-il pas la chansonnette pour faire acquitter son client et accessoirement assassiner Brassens ?) et l’on regrette que Claude Chabrol, pépère entouré de sa petite famille**, nous ait refilé un de ses films de vacances réalisés sans trop d’efforts.

* Certains spectateurs se sont d’ailleurs laissés aller à une douce torpeur un tantinet bruyante, la faute sans doute aux fauteuils moelleux du Gaumont Opéra…
** Comme à son habitude, il a confié le sort musical de son dernier opus à son fils aîné Matthieu, le cadet, Thomas, fait une apparition éclair et — pince-sans-rire — crache sur la Star Ac’. De plus, la scénariste et dialoguiste Odile Barski est incidemment la maman des petits Pauly… N’en jetez plus !

PS. Les inconditionnels peuvent retrouver le Chabrol des grands jours dans une série d’interviews orchestrées par AlloCiné : Claude Chabrol juge ses 50 ans de cinéma !

© TFM Distribution

Bellamy de Claude Chabrol_2009
avec Gérard Depardieu, Clovis Cornillac, Jacques Gamblin, Marie Bunel, Vahina Giocante, Marie Matheron, Adrienne Pauly, Maxence Aubenas, Yves Verhoeven et Rodolphe Pauly