La diablesse aux mille visages de Chung Chang-Wha

La diablesse aux mille visages de Chung Chang-Wha © Celestial Pictures

Fantomette et les mystères de Hong-Kong. Première collaboration entre la Shaw Brothers et le coréen Chung Chang-Wha (voire parfois même Cheng Chang-Ho) qui y signera quelques années après le méchamment burné La main de fer, La diablesse aux mille visages — délirante comédie menée tambour battant — est surtout l’occasion de dévoiler lors de moult bagarres la superbe plastique de ses deux actrices principales, Pat Ting Hung et Tina Chin Fei, virtuoses du lancer de gambette et du salto arrière.

Les bijoutiers de Hong-Kong sont la cible d’une voleuse hors pair et sans pitié, directe héritière de ce malfaisant de Fantomas. Comme lui, elle aime à se dissimuler derrière des masques de latex et n’hésite pas à emprunter le visage de tout un chacun tandis que son identité demeure un secret cruellement protégé, y compris de ses sbires dont elle se débarrasse dès lors qu’ils l’encombrent.

Deux femmes de tête entreprennent — par ambition ou par principes — de se dresser contre elle ; une journaliste forte en gueule qui ne va pas hésiter à poser dans un costume à la Musidora pour faire sortir la bête de sa tanière et une présentatrice de télévision, foncièrement ravissante et flanquée d’un amoureux velléitaire, apprentie détective qui va tant l’agacer qu’elle va se charger de la kidnapper et d’endosser son état civil aux fins de lui faire passer le goût de l’aventure.

Dans un festival de couleurs chatoyantes et de courses poursuites infernales, le réalisateur œuvre joyeusement à nous offrir un cocktail détonnant d’humour et d’action survitaminée (tout autant inspiré des folies d’André Hunnebelle que d’un James Bond — clins d’œil musicaux de Wang Yung Hua qui n’hésitera pas à emprunter lors de l’épilogue quelques notes à Ennio Morricone ! — ou des fumetti dont la plus belle adaptation est sans contexte Diabolik! de Mario Bava) aux effluves excentriques. Ainsi la diablesse a-t-elle établi son repaire dans un dédale de grottes, où évolue de manière fantasmatique un invraisemblable harem de jeunes servantes karatékas vêtues de voiles multicolores et parfaitement transparents.

Ce coquin de Chung Chang-Wha ne s’interdisant ni gros plans sur les plantureux appâts de danseuses accortes ou entrejambes de jeunes filles ficelées, ni scènes de sexe nombreuses et plutôt osées pour l’époque, la plaisanterie salace est à son comble lorsqu’il se permet d’abandonner son héroïne en sous-vêtements en plein carrefour rapidement embouteillé, non sans l’avoir malicieusement contrainte auparavant d’assister aux ébats de son benêt de chéri avec la gredine qui lui a dérobé sa frimousse. Par ailleurs, tout en usant jusqu’à la corde le sacro-saint cliché des policiers stupides et priapiques rendant fou furieux le Juve de service, une homérique bataille de sosies — l’amant étant sommé de rouler des pelles à deux femmes identiques pour reconnaître sa mie — représente le point d’orgue de cet excellent opus.

Pour les amateurs d’émotions fortes, La diablesse aux mille visages est également truffé d’ahurissantes cascades et de très beaux combats où ces dames virevoltent et kung-futent à loisir et l’on s’attendrait presque à voir jaillir des Pew! et des Bam! à chaque bourre-pif. Ambiance psychédélique assurée donc pour cet extravagant divertissement du samedi soir.

La diablesse aux mille visages/Qian man mo nü de Chung Chang-Wha_1968
avec Pat Ting Hung, Tina Chin Fei, Chen Liang, Liu Liang Hua et Yang Chih Ching