Collection Forbidden Hollywood. Un peu d’histoire. Alors qu’à la fin des années 20 passe sur Hollywood un vent de folie furieuse et que trépassent allègrement starlettes et carrières prometteuses, un code de bonne conduite édicté par Will H. Hays est imposé aux patrons des studios, promettant de censurer tout ou partie de leurs films s’ils persistent à pervertir l’Amérique par la grâce de leurs créations libertines.
Les compagnies étant bien plus préoccupées par la baisse de fréquentation des salles qu’à contenter quelques assommantes ligues de vertu et Hays, quoiqu’il affirme, ne tenant guère à trop presser ceux qui le paient royalement*, Hollywood va connaître de 1929 à 1934** une heureuse parenthèse — soit la fameuse « ère pré-code » — et se vautrer en toute liberté dans la violence, le cynisme et le stupre aux fins d’apologie de bon nombre de péchés mortels.
Va ainsi s’épanouir sur les écrans toute une série de films d’une étonnante modernité où s’illustrent de futures vedettes — les juvéniles Clark Gable, Barbara Stanwyck, James Cagney ou Joan Blondell entre autres — et dont les scénarios transgressent allègrement tous les principes ou presque de ce brave Willy avant qu’Hollywood ne se voit signifier par la Legion of decency effarée de tant d’audace la fin des festivités et le début de la censure. Pour notre plus grand bonheur, la Warner a décidé de plonger dans sa malle aux trésors et de réhabiliter ces invraisemblables pelloches pour la plupart inédites en France.
* Se reporter aux Secrets d’Hollywood de Patrick Brion et à Hollywood Babylon de Kenneth Anger
** Date d’entrée en vigueur du code qui sera aboli en 1967
A voir : L’excellent documentaire Thou Shalt Not: Sex, Sin and Censorship in Pre-Code Hollywood momentanément (?) visible ici.
A lire : L’ère du pré-code sur Cinéma Classic

Être une femme libérée tu sais c’est pas si facile (air connu).
Anne Vincent (Barbara Stanwyck) est une femme de tête. Belle, intelligente, cultivée et manifestement à l’abri du besoin, elle ne tient pas à officialiser sa liaison avec ce brave Richard Ives (James Rennie, transparent), rejeton d’une famille de la bonne société new-yorkaise. Et encore moins à l’épouser, estimant à juste titre qu’un mariage suivi d’enfantement est le début de l’ennui, et de fait, la mort assurée de leur passion.
Pourtant Anne aime son Dick qui le lui rend bien mais qui, fort sournoisement et en bon macho, apprécierait également que sa chère et tendre se soumette à ses désirs. Il n’y a pas jusqu’à son paternel qui n’entreprenne de faire la conquête de sa future belle-fille. Les coquins qui espèreront que le vieux grigou tente de séduire la donzelle en seront pour leurs frais quoique l’ancêtre n’y verrait, semble-t-il, aucun inconvénient. Le réalisateur ne donne cependant pas suite à ses sous-entendus grivois.
Il n’y a rien dans Illicit de très choquant pour les bonnes mœurs si ce n’est, sans doute pour l’époque, le féminisme exacerbé de l’héroïne, son existence de patachonne et sa volonté intransigeante à demeurer indépendante. Décision qu’approuve vigoureusement un de ses amoureux transis (l’hilarant Ricardo Cortez*, quasi clone de Tino Rossi), cavaleur éhonté prêt à se faire moine si elle abandonne le célibat pour un autre que lui. Par amour, folle qu’elle est, Anne cède à la pression et rend les armes.
Patatras ! Bientôt lassé de leur vie commune, son Dick finit par se comporter comme tel et butine un ancien amour qui, telle Pénélope, attend depuis des lustres drapée dans son hermine que son ex lui revienne. Nous assistons alors à des scènes fort convenues de crêpage de chignons. Et voilà notre héroïne bien marrie qui décide de reprendre sa liberté, quitte son chéri et se met en tête de lui rendre la monnaie de sa pièce (Tino attend dans l’ombre que notre infortunée cède à ses grossières avances).
Malheureusement, le scénario ne va pas au bout de ses promesses, la jeune mariée étant toujours raide dingue de son mufle et guère décidée à filer des coups de canif au contrat qu’elle a signé.
Les dialogues font souvent mouche et les seconds rôles — dont un notable Charles Butterworth perpétuellement au bord du coma éthylique — sont piquants. Nonobstant Illicit se révèle une histoire bien conventionnelle où la femme libérée est sommée de se ranger sans autre forme de procès. De plus, la réalisation d’Archie Mayo est peu inventive et l’on a souvent la sensation d’assister à la représentation théâtrale d’un drame bourgeois dont l’issue n’est guère enthousiasmante.
Si Joan Blondell impayable en party girl est quelque peu sacrifiée au profit de cette chienne de Margie True/Penelope (Natalie Moorhead), l’intérêt essentiel du film demeure la présence rayonnante d’une Barbara Stanwyck débutante (elle a alors 24 ans) mais déjà forte en gueule, dont les formes plus que généreuses ondulent, magnifiées par des tenues ad hoc.
* Et pour la petite histoire, frère ainé de Stanley Cortez, directeur de la photographie de La splendeur des Amberson et de La nuit du chasseur, entre autres.

Illicit de Archie Mayo_1931
avec Barbara Stanwyck, James Rennie, Ricardo Cortez, Natalie Moorhead, Joan Blondell et Charles Butterworth