Festival Paris Cinéma 2012 [29/06/12 — Journal de bord 1] : Jeff Mills, André Sauvage & Herman Yau

© FredMJG

C’est parti ! Si l’ouverture « officielle » du Festival Paris Cinéma a eu lieu hier soir avec la projection en avant-première d’Holy motors de Leos Carax [et un p’tit pince-fesses à la Mairie de Paris où j’ai retrouvé Jérome — qui sera notre guide spirituel durant tout le festival — et les autres membres du Jury, Valérie, Anna, Noémie et Chris], les hostilités débutent réellement avec une nuit blanche placée cette année donc, sous le signe de Hong-Kong.

Dans la salle 500 archicomble — j’ai ouïe dire que l’on y avait refusé du monde — , Johnnie To et ses amitiés viriles, dans la 100 (au secours !) la nuit Category III qui promet violence, sang et stupre à tous ceux qui s’y risquent.

Le secret d’une d’insomnie réussie ? Bénéficier d’une sieste réparatrice d’une heure ou deux avant — et envisager le risque d’arriver à la bourre — et d’un taux de caféine humainement acceptable. Ne pas oublier de ré-injecter le poison après chaque film.

Et c’est parti, avec tout d’abord une petite mise en bouche signée Jeff Mills.

© Shauna Reagan

Ciné Mix de Jeff Mills sur Études sur Paris d’André Sauvage_1928

Paris a décidément une gueule d’atmosphère devant la caméra d’André Sauvage et l’on se surprend même à imaginer que Gabin va surgir à l’avant de la loco d’un train de péniches et que c’est Carette qui se prélasse clope au bec dans l’herbe tendre. Le sang des bêtes s’écoule près du marché aux ânes tandis que les mistons se bécotent sur les quais de la Seine, où canotent quelques demoiselles sous l’éternelle surveillance des chimères de Notre Dame.

N’étant guère fan de techno, il me faut reconnaitre une qualité essentielle à Jeff Mills, celle de ne jamais vouloir écraser le film sous sa création musicale. Grâce à son rythme hypnotique savamment dosé, la part la plus belle est laissée à l’image sans fard d’André Sauvage qui nous trimballe dans les quartiers de la capitale des années 30 et nous prouve décidément que la nature profonde de Paris demeure encore et toujours.

Une bien agréable récréation en somme avant le plat de résistance.

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Un double café et direction la petite salle 100 — où certains films seront présentés en vidéo, les copies originales étant irrémédiablement abîmées —, tout de même remplie aux 3/4 de déviant(e)s en tous genres. La nuit Category III est présentée par Julien Sévéon, auteur entre autres de l’excellent  Category III, sexe, sang et politique à Hong Kong et du Cinéma enragé du Japon. L’auteur s’étonna de tant de présence féminine dans la salle comme quoi les clichés ont la vie dure. Comme si les donzelles du XXIe siècle — et ce ne sont pas mes charmantes voisines asiatiques qui n’ont cessé de rigoler pendant sept heures qui me contrediront — ne pouvaient avoir envie, elles aussi, de voir de la cervelle voler, des membres arrachés valdinguer, des minots se faire torturer, des jeunes filles garçons virils prendre leur douche (indice : y a un film de prison dans le programme), des cantiques s’élever, oui enfin bon, je vous laisse le soin de rayer les mentions inutiles.

© Cinema City Film Productions

22h. The Untold story de Herman Yau_1993
avec Anthony Wong, Danny Lee, Emily Kwan, Lau Siu-ming, Sing Fui-on et Julie Riva

Inspiré d’une histoire vraie qui prouve encore une fois que l’imagination du citoyen lambda dépasse de bien loin celle de tout scénariste au cerveau normalement constitué, The untold story s’attache à un cuistot assassin, impuissant — le viol d’une employée par baguettes interposées a brusquement rendu la salle fort silencieuse — et neurasthénique (n’en jetons plus) fichtrement réputé pour l’exceptionnelle saveur de ses petites brioches au porc (jeu de mot). Les 3/4 du commissariat de Macao peut en témoigner…

Lorsqu’ayant commis la bévue — dont il se repentira plus tard, mais certes pas de ses crimes — de balancer les membres de ses victimes hargneusement découpées à la mer, il se voit encerclé par une bande de flics plus ou moins abrutis et amateurs de chairs bien fraiches [la seule femme du groupe se voit d’ailleurs réduite au rôle de larbin de collègues masculins parfaitement débiles et d’idiote soupirant à la vue de son supérieur hiérarchique qui  lui préfère des péripatéticiennes] et sombre peu à peu dans une folie autodestructrice.

Dans le rôle du psychopathe aux petits nerfs incontrôlables, nous avons la joie de retrouver ce stakhanoviste d’Anthony Je-suis-partout Wong — bien connu des amateurs de Johnnie To — qui réussit à ne pas trop en faire dans un rôle sur mesure de dingo perdant peu à peu les quelques pédales qui lui restent, voire même à devenir touchant (un comble !) quand, de bourreau, il devient victime de brutalités vengeresses sous l’œil goguenard de gardiens de prison résolument laxistes et de tortures par l’autorité policière elle-même qui tente de lui extorquer quelques aveux en vue de clore leur dossier et d’améliorer leurs statistiques. Il faut tout de même — pour y croire sans peine — voir ce brave Wong se ronger les veines avec les dents pour éviter le sort funeste de pourrir en prison en y subissant coups bas et vexations quotidiennes.

Garanti sans trucage, le climax du film consiste à nous faire revivre les souvenirs de ce tordu vaincu par la police et quelques injections maousses (hurlements de rire dans la salle) de sérum de vérité, soit le massacre en règle puis le dépeçage d’une famille de huit personnes, enfants terrifiés compris — la petite histoire voudrait que les gamins apeurés pleurnichaient réellement devant le hachoir de cet excité de Wong — et à apprendre quelques secrets de cuisine… De quoi en devenir définitivement végétariens.

A noter que ces deux frappadingues d’Herman Yau et Anthony Wong — en totale roue libre cette fois-ci — commettront ensemble un Ebola syndrome en 1996 irrémédiablement taré.

A suivre…

Si vous avez raté le début