A Roswell, personne ne vous entend jurer. Enfer et ewoks putréfiés ! Après les échappées hilarantes de Shaun of the dead_2005 et Hot fuzz!_2007, films réalisés sous les bons auspices d’Edgar Wright, nous étions en droit d’espérer nous dilater généreusement la rate en compagnie des toujours craquants Simon Pegg et Nick Frost, désormais attirés par les sirènes hollywoodiennes et l’appel déchirant de nerds aussi déjantés qu’eux.
Mais l’on peut être fan de SF, dessiner de pulpeuses aventurières à obus multiples, voire causer Klingon dans le texte, et se laisser phagocyter par plus opportuniste que soi en moins de temps qu’il ne faut à Darth Vader pour annoncer à Luke qu’il est son père.
Il ne se passe malheureusement rien que de très banal sous le soleil du Nevada et toutes les péripéties vécues par nos deux geeks ayant malencontreusement croisé un alien — moins moche qu’E.T. mais tout autant que la créature de Roswell — des plus bavards* au cours de leur villégiature, sont bien peu originales et guère irrévérencieuses. Malgré de belles promesses au départ et quelques fausses pistes, le duel tant attendu entre british un poil coincés et peuplades primitives, tels ces white trash directement sortis de Délivrance (John Boorman_1972), n’aura pas lieu.
Bien que nos compères soient obligés à moult reprises de préciser aux quidams qu’ils croisent sur un parcours indiscutablement dessiné par Fox Mulder qu’ils ne sont pas gays mais juste deux potes en vadrouille victimes d’une rencontre d’un troisième type, même si Paul — alien chut sur terre plus de 50 ans auparavant et qui apprécierait s’en retourner dans son home sweet home épuisé de tant de bons et loyaux services auprès du gouvernement et certaines têtes couronnées d’Hollywood — affirme, pour les mettre plus à leur aise, être volontiers bisexuel, les plaisanteries et blagues diverses ne dépasseront pas le potache. Pas le moindre doigt magique qui luit à l’horizon. Ce qui est un comble lorsque l’on songe à l’éprouvante misère sexuelle dans laquelle a été contrainte de vivre cette pauvre petite créature durant tant d’années.
A part quelques bienheureuses surprises à l’épilogue, cette aimable aventure serait du genre poussive si le film ne parodiait allègrement les Men in black chers à Barry Sonnenfeld_1997 (devinette : qui en était le producteur ?), en convoquant un trio infernal composé de Jason Bateman (soit l’Agent Zoil, Lorenzo de son prénom. Les fans de George Miller apprécieront) aussi déterminé qu’un pitbull affamé, flanqué d’un couple de bouffons décérébrés. Les formidables Bill Hader et Joe Lo Truglio finissent d’ailleurs par subrepticement piquer la vedette à nos charmants touristes sous influence, tandis que l’on cherche encore un moyen de museler définitivement le Paulo (et de l’empêcher de montrer son cul, le mooning et la fumette étant manifestement les seules bonnes choses qu’il ait appris au contact des humains).
Si l’on évite de trop s’attarder sur une improbable love story d’une cucuterie absolue née entre un de nos puceaux et une évangéliste borgne en rupture de ban bientôt atteinte du syndrome de la Tourette — puisque recouvrant la vue elle en retrouve également un certain (mauvais) esprit —, le film se regarde sans déplaisir certes (il est inutile de bouder), mais guère plus de passion.
Paul est avant tout une comédie très familiale qui — tout en rendant une allégeance quasi obscène à tonton Spielberg — ne gratte finalement que là où l’on s’y attend. Frustrant, donc.
* La bestiole réalisée en images de synthèse est « incarnée » par Seth Rogen, en roue totalement libre, qui en profite pour tirer méchamment la couverture à lui et en devient rapidement imbuvable.
Paul de Greg Mottola_2010
avec Simon Pegg, Nick Frost, Jason Bateman, Kristen Wiig, Sigourney Weaver, Bill Hader, Joe Lo Truglo, Blythe Danner et Jeffrey Tambo