Le rite de Mikaël Hafstrom

Priez pour Colin O'Donoghue qui souffre tant dans Le rite de Mikaël Hafstrom © Warner Bros. France

Tu seras exorciste, mon fils ! Depuis The last exorcism nous aurions pu espérer qu’en la matière les réalisateurs allaient prendre désormais un peu de recul et nous offrir une relecture saine et originale des inlassables combats menés contre les manifestations lucifériennes. Que nenni !

D’ailleurs, si l’on y songe, et après vision de cette énième souffreteuse variation « inspirée de faits réels », le film de Daniel Stamm ne pouvait être à n’en point douter qu’une ruse du démon pour égarer les brebis dévoyées que nous sommes.

Mais, alléluia ! Mikaël Hafstrom — réalisateur de l’inquiétant Chambre 1408_2008 et de l’inénarrable Dérapage/Dérailed_2006 — se charge avec Le rite, et un sérieux quasi christique, de nous remettre sur le droit chemin menant directement vers les verts pâturages et immanquablement à la flagellation (c’est si bon) en nous assénant une grande leçon de courage et d’abnégation sans lesquels la culpabilité qui se doit de nous ronger chaque jour de notre misérable existence ne serait plus qu’un mauvais souvenir.

Et ce, tout en lorgnant effrontément sur le cultissime Exorcist de William Friedkin_1973 et en convoquant un bestiaire tel que vous n’accommoderez plus jamais vos cuisses de grenouilles d’ail persillé mais bien plutôt de trois Pater et deux Ave. Toutefois, c’est à l’apparition d’un mulet amateur de chair tendre et atteint de myxomatose que nos zygomatiques n’ont pas résisté. Pardon mon père d’avoir péché par incrédulité, tout comme notre tourmenté héros, ex-enfant traumatisé comme il se doit (ou ça ne serait pas drôle).

Car ce brave séminariste (Colin O’Donoghue, une seule expression faciale au compteur) se trouve à la croisée des chemins. Prêtre (tradition familiale oblige) ou croque-mort comme papa (Rutger Hauer qui cachetonne tristement), tel est son destin. Soit. Sur la question du libre-arbitre, merci de revenir en seconde semaine.

Tandis que d’excellentes notes lui permettraient de se lancer dans une fructueuse carrière de psychiatre, le doute l’étreint, Satan l’habite, et son professeur en théologie en profite pour l’expédier derechef à Rome faire ses classes parmi les exorcistes — dont Ciarán Hinds, qui retient difficilement quelques bâillements — pour qui schizophrénie, hystérie et névroses diverses avariées ne sont que preuves que le diable continue de faire le malin (pardon) parmi les hommes.

Et c’est alors qu’Anthony Hopkins, oscar du meilleur acteur — c’est l’affiche qui se permet de s’en prévaloir — entre en scène et reprend possession de l’écran en lieu et place du freluquet qui cède au même instant à la tentation de la junk food et nous induit en erreur en folâtrant chastement avec une journaliste (Alice Braga, qui ne sert strictement à rien, si ce n’est à prouver qu’elle ne possède pas une once du charme affolant de sa tante Sonia), avide de se soumettre à la bonne parole de la sainte autorité papale, et d’assurer ainsi la pérennité des exactions religieuses.

S’il n’y a dorénavant plus erreur sur la marchandise, notre controversé homme de (peu de) foi affirmant tout de go au sceptique qu’il n’y aura ni jet de purée de pois, ni derviches tourneurs, les scènes qui vont se succéder — outre qu’elles nous laisseront le loisir, mécréants que nous sommes, de ricaner bassement, de nous endormir, d’envoyer une salve de SMS assassins à des compagnons d’infortune reluquant le même naveton ou de parier sur les événements à venir tant le scénario est d’une prévisibilité diabolique — misent absolument tout sur le charisme de son interprète principal, estimant que son talent (capable de se dissoudre allègrement dans un éhonté cabotinage) va suffire à assurer un spectacle inexistant.

Affirmer que le damné gallois n’en est pas à une pitrerie près — quitte à oublier qu’il faut éteindre son portable avant tout exorcisme ou à claquer le beignet d’une gamine qui le gonfle — pour maintenir éveillé le spectateur comateux serait mentir. D’ailleurs, la grande (?) scène d’affrontement où prêtre déchu, il annonce que son nom est (Hanni)Ba’al vaut son pesant de crucifix renversés.

Dommage que malgré tant de bonne volonté, il ait à faire face au jeu sans saveur de deux endives et à des dialogues anémiques manifestement sponsorisés par l’église catholique, apostolique et romaine. Le principal étant, mais vous l’aviez déjà compris, que l’incrédule croit et que la vocation naisse. De gré ET de force. La résultante étant la recrudescence de pécheresses à s’abandonner à la moiteur du confessionnal dès lors que notre renégat y prêche.

Nous vous remercions en conséquence d’avoir l’obligeance d’envoyer vos dons à l’association « Sauvons la fin de carrière d’Anthony Hopkins », quoique le bougre a tellement l’air de bien s’amuser qu’il ne mérite sans doute pas votre miséricorde.

Le rite/The rite de Mikaël Hafstrom_2011
avec Anthony Hopkins, Colin O’Donoghue, Alice Braga, Ciarán Hinds, Toby Jones, Rutger Hauer, Marta Gastini et Maria Grazia Cucinotta