Le débarcadère des anges de Brigitte Roüan [Suite Noire]

Ysaë dans Le débarcadère des anges de Brigitte Roüan © France 2, Agora Films

Magouilles, souffrance et beauté. Vous venez pour le massage ? demande narquoisement notre héros aux deux grandes brutes qui s’apprêtent à le passer à tabac.

Ainsi débute Le débarcadère des anges, 6e film de la Suite noire** réalisé par Brigitte Roüan, qui restera sans doute dans les annales pour avoir révélé le talent d’Ysaë, musicien hip hop et fondateur du Pop Art Lyrical*.

D’une charmante désinvolture, il est la bonne surprise de ce polar qui évoque à mots très découverts les exactions de cliniques de chirurgie esthétique et les relations incestueuses liant monde interlope, politiques et forces de police, tout en explorant les chemins de la filiation.

Notre novice, autoproclamé détective et baratineur de jolies poupées, se laisse embarquer par un ami d’enfance — soucieux de plaire à une péronnelle (Sarah Biasini, gentillette) — dans une abracadabrante enquête dont personne ne sortira indemne.

En lieu et place de la sempiternelle voix-off qui escorte tout privé qui se respecte, c’est son supposé père, flic disparu lors de ses jeunes années, qui va lui révéler des cieux où il est monté tous les arcanes du métier, et plus puisqu’affinités.

Dans cet éternel combat de David contre Goliath, malgré les efforts d’un flic désabusé et suffisamment cynique pour se maintenir à flots et survivre (Gérard Meylan, chaplinesque), l’amitié, les beaux principes, les espoirs et les fantasmes prendront un sacré coup dans l’aile, sans compter que les meurtres de jeunes beautés sont toujours plus cruels au soleil.

La réalisation est à l’image du héros, nonchalante — et l’on sait gré à Brigitte Roüan d’aimer filmer les corps masculins alanguis — les dialogues sont savoureux et il règne sur ce débarcadère un humour bon enfant qui tranche singulièrement avec la noirceur, voire la crudité, de certaines scènes… D’où vient alors la sensation que l’on reste sur sa faim ?

Au final, cette nouvelle pierre apposée au mémorial des magouilles marseillaises cinématographiques donne singulièrement envie de revoir le beau film noir signé par une autre femme, Juliet Berto, en 1982, Cap canaille.

* Extraits musicaux disponibles sur ysae.fr.
** Le 5ème, La musique de papa, signé Patrick Grandperret, ne sera pas chroniqué puisque visionné avec vingt bonnes minutes de retard… sans regret, eu égard à la terrible prévisibilité de l’épilogue. Les commentaires sur cet épisode sont cependant les bienvenus.

© France 2, Agora Films

Le débarcadère des anges de Brigitte Roüan_2009
avec Ysaë, Gérard Meylan, Sarah Biasini, Maeva Pasquali, Sofiane Belmouden et Christophe Carotenuto
d’après le livre de Patrick Raynal