La gaffe est dans le crime. Le travail, c’est la santé prétend le célèbre adage…
Hors donc, le héros de Vitrage à la corde (interprété par un Manuel Blanc impérial) va tout faire pour le conserver, son boulot, où cadre modèle il trime depuis six ans et a récolté tant de satisfactions matérielles, sans compter la plénitude d’un bonheur familial sans anicroche (filmé à la manière d’un cartoon, le récit de sa vie témoigne d’un conformisme écœurant). Une existence normale, en somme, qui a un coût et qu’il compte conserver, dût-il pour cela trucider accidentellement ou pas toute la région.
Voilà donc notre petit employé, gaffeur impénitent, embarqué dans un engrenage d’une implacable logique. De petits arrangements avec le crime en homicides involontaires, ce qui était au départ un banal accident de voiture va se muer en ballade sanguinaire.
Et la voix-off omniprésente — les apartés du bonhomme sont hilarantes — de prendre le spectateur à témoin : honnêtement, qui serait prêt à tout perdre sur un coup de folie ou un incident du sort alors qu’il est si facile d’abattre les obstacles qu’un destin facétieux pose sur votre parcours ?
En homme à principes d’une impayable candeur, doublé d’un égoïste psychorigide, Manuel Blanc (bien loin désormais du jeune provincial arriviste qu’il incarnait dans J’embrasse pas d’André Téchiné_1991) domine le film de sa folie doucereuse. C’est un monstre soit, mais si humain que l’on ne peut s’empêcher de lui souhaiter de réussir dans ses entreprises macabres. Là est l’effet pervers de l’aventure…
L’histoire, emberlificotée au possible, ménage les coups de théâtre où s’agitent frénétiquement les pantins conviés à la fête. Notre serial killer qui s’ignorait est si obsédé par les événements chaotiques qui mettent à mal son petit confort personnel, qu’il en oublie de porter une réelle attention à son entourage : épouse qui le fait marcher au pas (Karole Rocher, savoureuse), voisin patelin (excellent Philippe Duquesne) et se méprend, dans un aveuglement notoire, sur les motivations d’un flic obstiné (Jackie Berroyer, impeccable décalque en mode tragi-comique de Colombo). Une apparition mémorable de Michel Muller, d’un cynisme forcené, achève d’emporter le morceau.
Si une violence sourde envahissait sournoisement chaque plan de Tirez sur le caviste, ici, c’est une radieuse loufoquerie qui prime. Nonobstant, le film de Laurent Bouhnik partage avec l’œuvre d’Emmanuelle Bercot une immoralité des plus jouissives.

Vitrage à la corde de Laurent Bouhnik_2009
avec Manuel Blanc, Jackie Berroyer, Philippe Duquesne, Jean-François Gallotte, Karole Rocher, Bibi Naceri, Moon Dailly et Michel Muller
d’après le livre de Colin Thibert