Ceci est mon corps de Jérôme Soubeyrand

Ceci est mon corps de Jérôme Soubeyrand © CALM Distribution

Aimez qui vous voulez. Ce n’est pas que Gabin, curé ardéchois ayant passé le demi-siècle, fasse une crise de foi(e) ou que l’amour de dieu ne le chatouille plus, mais ses hormones le gratouillent sec depuis qu’il a enserré dans un câlin langoureux le corps généreux d’une femme. Et de s’éclipser de sa paroisse pour « monter à Paris » tel un Rastignac en chaleur.

Il est de ces films sans prétention, réalisé pour une poignée d’euros, dans la joie et la bonne humeur, avec une bonne bande de copains dotés d’une générosité et d’une énergie sacrément communicatives, qui vous font rire aux pires moments de votre vie. Où, comme son émouvant héros, prêtre voué au célibat tombé raide amoureux d’une actrice fantasque à l’issue d’une séance de thérapie , vous vous demandez s’il ne serait pas temps de réfléchir à votre avenir, de jeter votre gourme n’en déplaise à dieu ou à ses saints. D’enfin vous sentir libre, que diable ! Libre d’aimer qui vous voulez, libre de vos mouvements, de vos pensées, de votre vie et, ô grand surtout, libre de faire définitivement fi de la sainte trinité : bien-pensance, conformisme et traditions.

Ceci est mon corps, Amphore 2013 du peuple au Fifigrot toulousain, premier film effronté du scénariste Jérôme Soubeyrand est de ceux-là. Comme une envie de retourner aux origines, à l’utopie communautaire où le corps de chacun lui appartient et qu’il peut être prêté, mélangé, voire offert avec son âme en partage, à qui bon lui plaît.

Loin de Jérôme Soubeyrand pourtant, l’idée d’une critique acerbe des normes épiscopales, même si certaines réalités sont évoquées avec un humour bonhomme et l’hypocrisie des « gens de bien » quelque peu égratignée. On ressent surtout à l’issue du film une folle envie de bonheurs partagés, loin des crasses de ce monde et comme une tentation d’exorciser les affres d’un futur incertain.

Débarquant chez l’exubérante Marlène déchirée entre deux amours (l’épatante Marina Tomé qui se taille la part de la lionne en deux monologues évoquant l’un, la sexualité féminine — prise de notes exigée —, l’autre, l’impudent conflit vérité & vraisemblance), voici notre curé qui découvre d’un coup d’un seul ou presque, et les affres d’une passion non partagée, et les désirs d’un corps trop longtemps ignorés.

Produit par Pierre-Loup Rajot (qui fait une drôlatique apparition en évêque aux idées larges), Ceci est mon corps, docu-fiction quelque peu foutraque, est tout à la fois l’exploration du métier de comédien et des masques que tout un chacun revêt consciemment ou pas, une réflexion sur la sexualité — le réalisateur a convié Michel Serres et Michel Onfray à une discussion à bâtons rompus sur les fondements de la séparation du corps et de l’esprit dans le christianisme — et une sauvage séance de psychanalyse transgénérationnelle en compagnie de Bruno Clavier,  Jérôme Soubeyrand ayant découvert lors de l’écriture de son scénario que son arrière grand-père paternel était prêtre. Il est bien connu que nous payons bien malgré nous sur nos deniers les fautes de nos ancêtres, certes… Mais n’en jetons plus !  il y a ici matière à deux films.

Si les passionnantes interventions du duo de philosophes qui ponctuent les tribulations amoureuses de Gabin sont follement amusantes (ce brave Saint Paul prend cher), si l’abattage des acteurs est tout à fait louable — Christophe Alévêque excelle en banquier endimanché le jour qui se travestit et aère son boa le soir —, la thérapie transgénérationnelle fait parfois retomber le soufflé ; la faute sans doute au fait que le réalisateur interprète également un rôle de fiction et brouille ainsi les cartes.

Mais que l’on ne se prive pas de rire de bon cœur en nos jours incertains devant ce plaisant marivaudage et de se laisser emporter par l’enthousiasme généré par la bande de zazous que croise notre curé tourmenté par le démon de la chair, cernés que nous sommes par les désirs souterrains des empêcheurs de s’aimer en rond.

Sortie prévue sur les écrans de France et de Navarre le 10 décembre prochain. Merci à Isabelle pour l’invitation.

Pour en savoir plus : Interview de Jérome Soubeyrand sur Ciné-Chronicle

Ceci est mon corps de Jérôme Soubeyrand_2013
avec Jérôme Soubeyrand, Marina Tomé, Christophe Alévêque, Laetitia Lopez, Hervé Dubourjal, Julie Nicolet, Pierre-Loup Rajot et Hervé Blanc
et la participation dans leur propre rôle de Michel Serres, Michel Onfray et Bruno Clavier