Enquête sur des citoyens au-dessus de tout soupçon — Questionnaire Cinéma politique Part IV

Cadavres exquis de Francesco Rosi © Produzioni Europee Associati (PEA)

De la politique. Suite et fin du questionnaire Cinéma politique de Cinématique.

Et si vous avez raté le début :

Bonne lecture !

16. Quel a été pour vous, en France, le meilleur Ministre de la Culture ? Expliquez pourquoi en deux mots.

Et bien tout d’abord, se reporter à la question 4 pour savoir ce que je pense de cette fonction. Ensuite, il me semble (je suis arrivée en France sur le tard) qu’il y a eu un ministre qui portait le nom d’un cinéaste et avant lui, un ministre qui a été cinéaste (anti-fasciste de surcroît et un brin toqué, ce qui ne peut manquer de nous rendre le bonhomme sympathique). CQFD.

17. Quel est le meilleur « film de procès »

Le film. Le procès/The trial de Orson Welles_1962 sans hésitation possible. Dès notre naissance, nous devenons des coupables en puissance car telle est l’absurdité de la vie qui nous offre la capacité de penser, donc d’ourdir, de comploter, de virer à gauche. Et ceux qui n’y songent même pas sont doublement suspects, qu’on se le dise.

© Paris-Europa Productions
© Paris-Europa Productions

La scène. Que les dieux du cinéma en soient ici remerciés d’avoir poussé Fritz Lang à fuir l’Allemagne. Un type capable de nous pousser à l’empathie avec un tueur d’enfants, en le jetant dans les griffes de la « loi des hors-la-loi » qui décident de rendre eux-mêmes la justice, non dans l’idée de lui présenter leurs hommages mais bien uniquement dans l’intérêt qu’ils y trouvent à se faire oublier de la police, est sacrément dangereux. Et la scène du « procès » de M le maudit/M. Eine Stadt sucht einen Mörder_1931, inoubliable. Le Ich kan nicht désespéré de Peter Lorre résonne à jamais dans mon petit panthéon cinématographique.

© Nero-Film AG
© Nero-Film AG

18. Quel film vous paraît le plus lucide sur le quatrième pouvoir (les médias) ?

La presse écrite. La cinquième victime/While the city sleeps de Fritz Lang_1956 où l’individualisme forcené du journaliste à la recherche du scoop et son absence totale de morale sont méchamment épinglés.

© RKO Radio Pictures
© RKO Radio Pictures

Ouvrons une petite parenthèse pour retourner dans le passé, et notamment à la période hollywoodienne dite du pré-code, soit de 1929 à 1934. Je n’ai guère eu le temps de parler plus amplement de la collection Forbidden Hollywood sur le blog mais deux films notamment s’intéressent à la presse de caniveau. L’un, une comédie — Picture snatcher de Lloyd Bacon_1933 — fait de James Cagney un ancien mauvais garçon devenu paparazzi qui applique joyeusement à son nouveau métier ses compétences et son amoralité de voyou. Dans le second, un drame sordide — Five star final de Mervyn Leroy_1931 — Edward G. Robinson en proie à un examen de conscience fustige (déjà) les actionnaires en les accusant de se vautrer dans le sordide pour augmenter les tirages. Deux films étonnamment modernes donc, si l’on songe aux mauvaises manières de Trèsprès ou Voilà

© Warner Bros.
© Warner Bros.

La télé. La légende de Ron Burgundy/Anchorman: The legend of Ron Burgundy_2004 de Adam McKay (Moins prophétique que le Network de Sidney Lumet_1976 certes, mais tout aussi allumé).

© DreamWorks SKG
© DreamWorks SKG

19. Citez un film que vous aimez et qui vous semble assurément « de droite ».

Si l’on part du principe que Little Big Man d’Arthur Penn en 1970 est « de gauche » alors La charge héroique/They died with their boots on de Raoul Walsh_1941 est « de droite » et un film de propagande qui plus est. Mais j’aime les deux parce que l’on y rit beaucoup (pour des raisons différentes) malgré le drame.

© Cinema Center Films, Warner Bros.
© Cinema Center Films, Warner Bros.

A part cette mise au point, L’homme des hautes plaines/High plains drifter de Clint Eastwood_1973, sans contexte. Heureusement qu’on ne peut prendre un type qui parle aux chaises vides très au sérieux.

© The Malpaso Company
© The Malpaso Company

Et tous les polars ultra-violents des années 70/80 avec en vedette la frémissante moustache de Maurizio Merli (la seule chose qui soit un peu expressive chez ce garçon où même l’impeccable mèche vire à droite). Car il est bon de rire parfois tant ses rôles de commissaire qui tire d’abord et ne discute même pas ensuite fait passer Dirty Harry pour un enfant de chœur. Mais de là à dire que je les « aime », n’exagérons rien ; je n’y vois qu’un intérêt historique cela va sans dire.

Maurizio Merli dans Le cynique, l'infâme, le violent de Umberto Lenzi © Dania Film
Maurizio Merli dans Le cynique, l’infâme, le violent de Umberto Lenzi © Dania Film

20. Citez un film que vous aimez et qui vous semble certainement « de gauche ».

Dressé pour tuer/White dog de ce soit-disant fasciste ha ha ha de Samuel Fuller_1982 (qui a par ailleurs réalisé quelques excellents films de propagande)

© Paramount Pictures
© Paramount Pictures

El Chuncho/Quien Sabe? de Damiano Damiani_1967 avec l’infernal Gian Maria Volonte, Klaus Kinski en moine fanatique, Martine Beswick en passionaria, et surtout, petite pointe de perversité, Lou Castel dans un total contre-emploi. La fin du film est quasi orgasmique.

© M. C. M.
© M. C. M.

Le mot de la fin.

En nos temps incertains et mystérieusement xénophobes, il serait sans doute bon de revoir un film de Frank Cassenti datant de 1976, vraisemblablement de gauche, voire un peu anar puisqu’il emporta la même année le prix Jean Vigo, avec Pierre Clémenti (Ciel ! mais que fait la police ?) que l’on peut taxer (horreur !) de cinéma de propagande. Pour la liberté. Ainsi chacun peut être en accord avec les idées prônées, de quelque parti qu’il/elle se réclame.

© Z Productions
© Z Productions

And, that’s all folks ! Je m’en vais donc lire les réponses de mes confrères et sœurs chez Ludo’.