[Rétrospective 2014] Sur quelques films de janvier

Stacy Martin dans Nymph()maniac de Lars Von Trier © Les Films du Losange

Voici venu l’esprit de Noël ! Comme la petite vérole sur le bas clergé, les tops vont tomber sur les sites et les blogs fin 2014 ou début d’année 2015. J’en suis toujours à me tâter pour un non-blog comme l’année passée dans la mesure où il me manque un nombre conséquent de films, ratés pour raisons personnelles ou pour absences festivalières. En attendant, quelques menues réflexions.

2014 fut donc encore, pour ses 2/3, une année « sans » où les soucis le plus souvent empêchèrent la taulière de ses lieux de se vautrer à l’ombre des écrans autant qu’elle l’aurait souhaité. Avec quelques rattrapages éhontés en fin d’année, histoire de se remettre de méchants événements. Mais, soyons rigoureusement optimistes et parlons plutôt d’année « charnière ». 2015 n’en sera que meilleure.

N’ayant guère eu le temps, les moyens, l’ardeur nécessaire — merci de rayer toutes mentions inutiles — de discuter longuement de tous les films vus, j’entame une rapide rétrospective cinéma 2014, par ordre chronologique de sortie sur les écrans parisiens, en quelques mots, voire en quelques lignes pour les plus chanceux.

Et pour tous ceux qui aiment à être épatés par les êtres constants, 2014 fut surtout l’occasion pour deux éminents membres de l’infernal trio qui préside à Zoom arrière — ce Ford lover d’Inisfree et ce coquin de Dr Orlof — de fêter leur première décennie d’infatigables blogueurs sans que leur curiosité ou leur enthousiasme tout au long de ces années ne s’émoussent.

Néanmoins, Phil Siné, compagnon d’aventure des 5 dernières années a jeté l’éponge. Croisons les doigts pour qu’il la ramasse l’année prochaine.

Nymph()maniac Volume 1Old boyLovelaceLes brasiers de la colère12 years a slaveLe vent se lèveSleeping beautyThe Ryan initiativeL’écume des joursNymph()maniac Volume 2Dallas Buyers ClubJacky au royaume des fillesI, Frankenstein

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© Les films du Losange
© Les films du Losange

Nymph()maniac Volume 1 de Lars Von Trier

Bon sang de bonsoir mais que la chair est donc triste ! Comme il s’agit de ce petit rigolo de Von Trier qui triture à l’infini ses obsessions, chaque coït plus ou moins foireux raconté par l’infatigable Charlotte — la dame a squatté les écrans cette année — à Stellan le magnifique est agrémenté de réflexions pseudo-philosophiques sur l’amour, le sexe, le plaisir et ses petites contrariétés. A son habitude, le trublion s’amuse follement à nos dépens et l’on finit par se demander si c’est bien du Lars ou du petit cochon. Car force est de reconnaître que chaque mouche artificielle créée amoureusement par le témoin des tribulations de l’héroïne est filmée de manière bien plus sensuelle que les appâts du casting. NB. Qu’est-ce que c’est que cette manie de prendre les films pour des poires ?

© Universal Pictures
© Universal Pictures

Old boy de Spike Lee

Josh Brolin se bonifie en vieillissant. Soit. Nous sommes nonobstant en droit de lui préférer la douce dinguerie de Choi Min-sik. Mais pourquoi ce remake quasi photocopié — quoique toute idée un peu trop foldingue soit rigoureusement gommée et que la sacro-sainte culpabilité judéo-chrétienne pointe le bout de son ostie à l’épilogue — d’un film irremplaçable qui date de 10 ans ? Sans une once de la personnalité ou des obsessions de son réalisateur ? Mystère.

©Helios Films
©Helios Films

Lovelace de Rob Epstein & Jeffrey Friedman

Amanda Seyfried est bien trop mignonne et proprette pour camper une Linda Lovelace crédible, bien que ses efforts pour s’encanailler soient louables. Aucune ambivalence, aucun trouble. Comment réaliser un intéressant biopic sur un personnage controversé — le film, très hypocrite, ne montre d’ailleurs que le côté victimaire de la dame — , voire un film sur l’industrie pornographique sans montrer une once de chair ? Qu’on convoque Lars Von Trier ! Un film bien prude, où seule surnage Sharon Stone dans le rôle de la maman castratrice d’un puritanisme ahurissant. Réaliser à deux un film aussi sage avec un casting aussi hot est un crime. Mieux vaut se jeter sur Inside Deep throat, le documentaire de Randy Barbato & Fenton Bailey (ou lire, pour confronter les points de vue, The other Hollywood de Leigs McNeil & Jennifer Osborne).

©Metropolitan FilmExport
© Metropolitan FilmExport

Les brasiers de la colère/Out of the furnace de Scott Cooper

Christian Bale qui travaille activement sa ride du lion se fait allègrement voler la vedette par Casey Affleck en gueule cassée/esprit brisé et ce grand psychopathe de Woody Harrelson chargé de nous flanquer les jetons à intervalles réguliers pour nous empêcher de nous endormir. Mais d’où vient cet ennui doucereux ? Du déjà-vu (Scott Cooper lorgne décidément un peu trop sur le Deer hunter de Michael Cimino) ou du fait que dès l’ouverture, on sait que cette histoire va très très mal finir ? Et c’est sans surprise, mais avoir d’énormes sabots, que le réalisateur dévide son histoire de laissés pour compte de la mondialisation sur fonds de crapulerie.

© Mars Distribution
© Mars Distribution

12 years a slave de Steve McQueen

Le titre spoile à mort mais Steve McQueen ne ment pas sur la marchandise. Le film n’est pas basé sur un suspense macabre, notre héros va-t-il réussir à survivre à l’esclavage mais plonge au cœur même des ténèbres qui menèrent le pays à la guerre civile. Ce qui n’empêche que les obsessions habituelles du réalisateur, qui ne s’est guère laissé impressionner par son sujet, sont bel et bien là. Notamment sur le corps et les 1001 manière de le faire souffrir, voire de l’annihiler. De même que la culpabilité inhérente à toute survie en milieu hostile. Certaines scènes sont insoutenables, le héros, rien moins qu’angélique, et un casting quatre étoiles un poil tape-à-l’oeil égrène le catalogue du pouvoir blanc — le charitable, le pragmatique, le cruel, le libéral, etc. — que croise Solomom Northup sur son chemin de croix. Finalement, c’est Lupita Nyong’o qui a obtenu tous les suffrages et il faut espérer qu’elle ne se perdra pas dans les étoiles.

© The Walt Disney Company France
© The Walt Disney Company France

Le vent se lève/Kaze Tachinu de Hayao Miyazaki

Un bonheur de film — comme les 9/10e des Miyazaki d’ailleurs — qui a valeur testamentaire. Le père de Totoro a annoncé sa retraite. Au grand dam des fans. Demeurent ses œuvres empreintes d’humour tendre, de poésie et de terreur. Ancré dans le réalisme, et largement inspiré de la vie de l’inventeur du Zéro de sinistre mémoire, Le vent se lève balaie tout un siècle de drames, d’espoirs et de défaites sans que son obsessionnel héros, parfois happé par le pessimisme ambiant, n’en oublie de creuser son sillon et de se ressourcer dans ses idéaux fantasmatiques. Hayao Miyazaki, lui-même passionné d’aviation, s’adresse désormais aux adultes et rappelle que ce n’est pas parce que les créations d’un homme sont perverties par la cruauté et les intérêts d’une nation qu’il faut s’interdire de rêver, et par là-même de réinventer un avenir radieux.

© Les films du Camelia
© Les films du Camelia

Sleeping beauty/Some call it loving de James B. Harris

Le film le plus zarbi de l’année date de 1972. Cette relecture baroque et hypnotique de La belle au bois dormant est un songe pervers et une réflexion morbide croisée sur la nécrophilie et le voyeurisme. L’innocence livrée aux freaks des fêtes foraines a bien du mal à le demeurer dès lors qu’on la brade pour un dollar à un musicien de jazz — l’ineffable Zalman King au jeu somnambulique fait merveille ici — qui oscille en permanence entre cauchemars enfumés et hallucinations addictives. Richard Pryor, au sommet de sa période junkie, passe comme dans un rêve. Au regard de cet ovni dont on ressort groggy, les films sortis en ce début d’année paraissent désormais bien pâles.

©Paramount Pictures France
© Paramount Pictures France

The Ryan initiative/Jack Ryan: Shadow Recruit de Kenneth Branagh

Bravo pour la traduction simultanée du titre. Cette aventure d’un Jack Ryan rajeuni laisse si peu de souvenirs qu’il faut bien convenir qu’elle est aussi séduisante et charismatique que cette endive de Chris Pine. On en vient à vite regretter la moquette d’Alec Baldwin. Y a Keira Knightley aussi. Il parait.

© StudioCanal
© StudioCanal

L’écume des jours de Michel Gondry

Michel Gondry adore faire joujou. On aimerait bien qu’il partage ses jouets avec nous. D’abord il donne le tournis, ensuite on sombre dans un mélancolique délire. Ça fatigue. Il y a plein d’apparitions agréables d’acteurs que l’on aime : Vincent Rottiers, Laurent Laffitte, Zinedine Soualem et même un revenant, que l’on retrouve avec plaisir, Sacha Bourdo. Omar est drôle. On se demande où est Fred. On visite Paris. Audrey croit qu’elle s’appelle toujours Amélie. Il est temps de relire Vian.

© Les Films du Losange
© Les Films du Losange

Nymph()maniac Volume 2 de Lars Von Trier

L’idéal était de voir les deux parties l’une à la suite de l’autre, et non pas tronçonnées comme des épisodes de série. Il est important d’appréhender Nymph()maniac dans son ensemble, malgré son apparence de collages impromptus et de contradictions inhérentes à la personnalité de ce brave Lars qui n’en finit pas de se questionner sur le devenir de son cinéma. Que dire sinon que l’on a toujours plaisir à revoir Jean Marc Barr, que le film est de plus en plus ludique et pourtant, bizarrement moralisateur, à mesure que l’héroïne mûrit — adieu Stacy Martin, double ration de Charlotte Gainsbourg au programme — et qu’il n’est pas difficile d’en deviner l’épilogue… (l’excellent) Stellan Skarsgård n’étant pas de bois, que diable ! NB. Pas encore eu le désir de le revoir sur un écran réduit pour en découvrir le director’s cut.

© UGC Distribution
© UGC Distribution

Dallas Buyers Club de Jean-Marc Vallée

It is a true story. Nous voilà prévenus. Nous allons assister à un biopic bienveillant, et chronologiquement dévidé, où quelques ellipses n’auraient pas nuit à la bonne compréhension. Le mérite ? nous apprendre qu’il y eut quelques iconoclastes dans le combat contre une saloperie de maladie dont tout le monde se foutait et un humour tonique et bienvenu. Sans oublier d’encenser la débrouillardise individuelle US face aux manques de l’état. L’occasion pour Matthew Mcconaughey de payer de sa personne en démontrant qu’il est prêt à tout pour se voir offrir la récompense suprême (et par la même occasion squatter désormais les écrans où il cabotine sans pudeur aucune). Cette pauvrette de Jennifer Garner joue les utilités. Car face à la bourrasque texane, il n’y a que l’exceptionnel Jared Leto pour lui tenir la dragée haute dans une composition autrement plus subtile.

© PathéDistribution
© PathéDistribution

Jacky au royaume des filles de Riad Sattouf

OK. Avouons le, c’est très con mais qu’est-ce qu’on rit à cette grande bubunerie. La confusion des genres est exacerbée et la caricature grandiose, mais pas toujours totalement maîtrisée. Nonobstant, comment résister à ce grand crétin de Vincent Lacoste alors que la robe sied à merveille à son teint frais comme une rose ou à cette vermine de Didier Bourdon né pour jouer le Thénardier ? Charlotte est encore là, impeccable comme à son habitude. On peut toutefois regretter le twist final qui sonne le glas de la première raison d’être de l’histoire et oriente désormais le film vers un autre combat (fut-il aussi nécessaire en nos temps de culs bénits).

©Metropolitan FilmExport
© Metropolitan FilmExport

I, Frankenstein de Stuart Beattie

C’est très moche, c’est idiot et on finit par s’endormir malgré les explosions, les incendies et Bill Nighy (qui cachetonne à donf) et de fait, n’y comprendre que pouic. Et on s’en cogne, parce que c’est si laid qu’il vaut mieux l’oublier. Et bon sang de bois, Aaron, faut se reprendre là ! Qu’est-ce que c’est que cette carrière qui part en eau de boudin ?

A suivre…