Tire, Django, tire de Bruno Corbucci

Tire, Django, tire de Bruno Corbucci © Cemo Film

Fils de personne. Il est certain que Spara, Gringo, spara (Inutile de chercher Django, il est aux abonnés absents et son patronyme n’a été utilisé que pour de basses raisons commerciales), signé Bruno Corbucci, souffre du rapprochement avec les réussites westerniennes du grand frère Sergio.

Et il est encore plus évident que, question charisme ou cabotinage éhonté, le couple de chamailleurs Brian Kelly (le brun) et Fabrizio Moroni (le blond) ne peuvent soutenir la comparaison avec Tomas Milian et Franco Nero.

Nonobstant, après une seconde vision — et dans des conditions relativement difficiles, la bande était en VF (rions un peu avec le doublage d’un autre temps de dialogues sacrément gratinés) et abîmée par le temps ; ce dernier souci ajoutant néanmoins un cachet supplémentaire à cette série B —, le film se laisse voir sans déplaisir et notamment grâce à l’évolution des relations entre les deux acteurs susnommés.

Brian Kelly (Chad en VO, Django donc, en VF), un déserteur vaguement outlaw et connu comme le loup blanc par tous les gredins de cette vaste terre, s’évade d’une manière bien singulière de la prison où il moisit depuis des mois. Après s’être débarrassé d’un associé indélicat, le voilà menacé de pendaison par le maître d’une hacienda. Les miracles ayant lieu au Mexique, l’irascible Don (Folco Lulli qui en fait des tonnes dans l’œil larmoyant et à qui on ne confierait pas le goûter de ses enfants) lui offre la vie et la bourse contre un menu service, lui ramener pieds et poings liés s’il le faut son chenapan de fils qui préfère — l’ingrat ! — trainer ses guêtres avec une bande de malfrats américains qu’être calife en son royaume.

Django part donc chercher le galopin (Fidel en VO, Miguel — un prénom très couleur locale pour sûr — en VF). L’héritier mexicain se révèle être un nonchalant blondinet (!) doté d’une longue mèche, à l’allure très Swinging London et maquillé comme un chariot volé.

Les deux hommes se rencontrent lors d’une bataille homérique dans un saloon où les ivrognes du coin s’achèvent à coup de volaille vivante ou d’énormes jambons. Puis Django découvre que Miguel est trop content de s’être recréé une nouvelle famille parmi la bande de bras cassés d’un certain Major (Keenan Wynn, dont la petite histoire raconte qu’il était ivre du matin au soir sur le plateau pour ne dessaouler que lorsqu’il devait chevaucher. Et il est vrai qu’il tangue parfois au gré du vent et a surtout l’air de n’être là que pour son chèque de fin de semaine) pour rentrer au pays. C’est donc à l’insu de son plein gré que le garçon va être kidnappé sans sommation et ramené — avec quelques complications — à ses (euh) parents éplorés.

La véritable histoire peut désormais débuter. Les deux hommes vont se jauger, jouer au chat et à la souris, à celui qui pisse le plus loin, qui est le plus fort, voire le plus fûté (attention spoiler, c’est le grand brun), se sauver mutuellement la vie, se faire des niches, rouler gaillardement dans la poussière, bref, apprendre à se connaître et à s’estimer, et plus si affinités. Ainsi, en plein désert, voit-on Django saucissonner le chérubin pour enfin passer une bonne nuit et ce dernier ramper vers un cigarillo abandonné par son geôlier. L’image est osée mais la raison en est pratique : tirer deux/trois taffes du mégot pour brûler ses liens. Plus tard, totalement outré de s’être fait gruger par un bambin — pour un peu, il lui collerait bien une fessée — le Django préfèrera sacrifier leur eau, quitte à ce qu’ils crèvent ensemble dans ce lieu abandonné de tous.

De tous ? pas réellement, le scénariste ayant prévu d’y faire passer une caravane de migrants où les deux garçons pourront croiser la sculpturale veuve Erika Blanc (bien connue des amateurs de giallo, mais corsetée elle est, très habillée elle restera), caution féminine sans laquelle nous pourrions nous poser quelques questions (rire général lorsque Django préfère servir lui-même de l’eau à son captif plutôt que de laisser cette rousse incendiaire l’approcher). La belle étant vite évacuée, Django n’est pas au bout de ses surprises au sujet de l’amour paternel. En définitive, un gunfight monstrueux règle le problème de surpopulation au Mexique et les deux hommes de chevaucher de conserve au soleil couchant vivre heureux etc etc.

Les paysages  sont superbes ; le film a été tourné à Almeria, d’où l’agréable sensation d’être en terrain connu. Cependant,  Spara, Gringo, spara souffre également parfois d’un cruel manque de rythme malgré le nombre de scènes « à faire » et les événements multiples et variés qui le parsèment — l’attaque de la banque notamment manque de panache et la description de la bande du Major, de truculence. On peut toutefois s’interroger sur le palot aviné que Keenan Wynn roule à un canard dont il semble être tombé amoureux. Bizarrerie gratuite ou clin d’œil à l’amour fou qui lie Jack Palance/Curly à son faucon dans Il mercenario de Sergio Corbucci ? Un bon point, l’humour constant. Ainsi en va-t-il de ce vétérinaire véreux persuadant les propriétaires d’une truie de la nécessité d’amputer leur bestiole et rapportant chez lui le morceau de bidoche ou de Monsieur Mèche saoulant les chevaux de soldats abrutis en prévision d’une échappée spectaculaire.

Néanmoins, de par ses charmants sous-entendus, la personnalité atypique de son héros et, surtout, l’incongruité du sens de l’honneur mexicain, cette pellicule pas prétentieuse pour deux pesos nous donne suffisamment l’occasion de rire aux éclats pour que l’on s’estime satisfaits.

Film projeté à la Cinémathèque Française dans le cadre de la soirée Cinéma bis : histoire permanente du western italien.

Tire, Django, tire/Spara, Gringo, spara de Bruno Corbucci_1968
avec Brian Kelly, Keenan Wynn, Fabrizio Moroni, Erika Blanc, Rik Battagla et Linda Sini