Nouveau souffle de Karl Markovics

Nouveau souffle de Karl Markovics © ASC Distribution

Reconstruction. Bonne nouvelle ! Le cinéma autrichien ne se réduit pas au scalpel de Michael Haneke.

Il faudra désormais compter avec l’acteur Karl Markovics — héros de Die Fälscher/Les faussaires de Stefan Ruzowitzky_2007 et récemment entraperçu dans l’indigeste Sans identité de Jaume Collet-Saura —, qui a remporté le Label Europa Cinema avec Atmen, premier long métrage qu’il a également écrit.

Le pire était pourtant à craindre. Jugeons plutôt.

Dans une Vienne verdâtre et triste à crever, Roman Kogler (Thomas Schubert, nouveau venu*) ne veut pas devenir soudeur. Bien qu’il prétende tout connaître du métier, le voilà pris d’une rage folle lorsque son nouveau patron tente de lui faire porter un masque de protection. Le même accès de colère qui lui a fait tuer un camarade de chambrée lorsqu’il avait une quinzaine d’années, crime pour lequel il purge une peine dans un centre de détentions pour mineurs et dont il pourrait sortir bientôt, s’il prouvait qu’il est capable de se sociabiliser.

Roman n’a pas commencé d’un bon pied dans cette chienne de vie. Abandonné à la naissance, son seul plaisir manifeste est de parcourir la piscine de la prison de long en large et parfois, pour se détendre, y pratiquer l’apnée, lui qui a tant de mal à exprimer son mal être dès qu’il se trouve sur la terre ferme.

Dans une pure tentative de provocation, le voilà qui présente sa candidature aux pompes funèbres, ignorant alors qu’en côtoyant quotidiennement la mort et le chagrin, il va enfin trouver le courage de se pardonner et regarder vers l’avenir incertain d’un pas plus serein.

Le déclic se fera violemment, par la vision d’un cadavre de femme, encore séduisante, portant le même patronyme que lui et qui a l’âge d’être sa mère. La sienne — il l’ignore encore — lui aura fait cadeau, par son abandon, d’une vie certes imparfaite mais qu’il lui appartient d’améliorer. Y compris en embrassant une profession mal-aimée qui le pose d’emblée en marge de la société et dont il va subrepticement découvrir en lui l’énergie et l’abnégation que son exercice nécessite**.

Il est remarquable que malgré les scènes répétitives (fouilles au corps par des gardiens méprisants, transports de cadavres) et un réalisme parfois éprouvant (sa génitrice, petite chose médiocre et solitaire n’est pas aussi séduisante que la morte de la morgue, l’odeur qui colle au corps, les décors d’un sinistre jaune pisseux), Karl Markovics arrive à imprégner à un film pétri d’humanité — la toilette*** du corps d’une vieille femme à laquelle notre rétif héros assiste est un trésor de compassion et de respect — tant d’espoir et d’empathie pour son héros meurtrier.

On ne souhaite que le meilleur au jeune Kogler, que le ciel se dégage et qu’enfin, il puisse respirer et s’accomplir.

* Il est à noter que de David Michôd (Animal kingdom) aux frères Dardenne (Le gamin au vélo), le jeune garçon mutique et buté est désormais une valeur sûre.
** Il faut bien que quelqu’un le fasse ! lancera-t-il hargneusement à sa mère qui s’émeut du travail qu’il a choisi.
** Effectuée par un collègue — excellent Georg Friedrich — qui va tout lui apprendre, des ficelles du métier à l’exécution d’un nœud de cravate (sans oublier de « rêver réaliste »).

N.B. Film inédit, projeté à la reprise de la Quinzaine des réalisateurs 2011 au Forum des Images, Atmen devrait toutefois sortir dans notre beau pays, Karl Markovics ayant récemment trouvé un distributeur.

© ASC Distribution

Atmen/Breathing/Nouveau souffle de Karl Markovics_2011
avec Thomas Schubert, Karin Lischka, Gerhard Liebmann, Georg Friedrich et Stefan Matousch