Sous le signe de la croix. On ne peut que supputer que notre brave Paul Bettany (tant de talent gâché, quelle tristesse) a perdu un pari contre Scott Charles Stewart son metteur en scène d’un (involontairement drôle) Légion de sinistre mémoire pour se commettre à nouveau en sa compagnie.
Le futur est néant ou ne sera pas. D’ailleurs, Dieu est mort (pour trouver le coupable, suivez le regard désespéré de notre Priest) ou presque. Après des siècles de combats — une séquence graphique pré-générique* a été confiée aux bons dessins de Genndy Tartakovsky, auteur de Star Wars: Clone Wars_2003 — entre le bien/les humains (rions un peu) contre le mal/les vampires (larves aveugles pleines de dents), nous voilà débarqués dans un monde dévasté par ces incessantes guerres (l’imagination des scénaristes est décidément sans borne) où l’on ne s’étonnerait guère de voir arriver ce brave Mad Max à la recherche d’un point d’eau.
Très lointainement adapté d’un manhwa du coréen Min-Woo Hyung, ce Priest d’un inébranlable sérieux n’est qu’une succession de références et d’emprunts divers avariés, mais sans clin d’œil voire distanciation, que l’on peut décompter à l’occasion tout en remarquant, entre deux bâillements, qu’en l’occurrence ce film pompeux ne tient pas la distance.
Hors donc, filmé à la manière d’un western moderne où de vils indiens (les vampires à l’haleine de hyène) enlèvent une frêle jeune fille après avoir massacré ses parents (Mädchen Amick et Stephen Moyer — belle présence — qui nous prouve que depuis True Blood, l’éternité n’est plus ce qu’elle était) et la retiennent prisonnière dans le désert où nous assisterons par la suite à une mini-bataille du rail, l’abomination de service ayant bien l’intention de mener ses drôles de paroissiens au cœur de la grande cité pour leur offrir un gueuleton du feu de dieu, et se payer pour l’occasion une bonne tranche de momie épiscopale (Christopher Plummer, qui a sans nul doute croisé le maquilleur de Satyricon).
Nul n’étant prophète en son pays et la haute autorité religieuse l’ayant sommé de cesser de tenter de réveiller ses ouailles bien soumises, voilà l’oncle de la donzelle, que l’on appellera Priest — soit notre Paulo, le visage marqué d’un tatouage désormais infamant, tondu jusqu’à l’os et à la mine perpétuellement constipée —, qui se rebelle (contre l’église, pas contre dieu, hein, faut pas déconner non plus) et qui se tire avec sa bite (qui ne lui sert plus à rien : *spoiler* à l’attention de tous les coquins s’imaginant déjà voir s’ébattre Bettany et Q. dans le stupre et la moiteur), sa bible et son coutelas pourfendre les visqueux.
Tout en étant flanqué d’un jeunot particulièrement stupide et va-t-en guerre (Cam Gigandet, évadé de Twilight. Tout est dit.) bien décidé à en découdre avec cette bande de sauvages qui ne respectent rien, et surtout pas l’innocence de sa belle. Accessoirement, le tonton est fin prêt à crever ce qui lui reste de famille s’il s’avère que la gamine a été infectée. Ça vous rappelle quelque chose ? Normal.
Nos héros arriveront-ils à arrêter le train, sauver la fifille, révéler le secret de sa naissance, éradiquer la malfaisance de ce monde en perdition, revenir avertir hommes femmes et enfants que oui, les prêtres vous mentent et vous spolient (air connu) et que la mort rôde aux portes de la ville, puis repartir vers de nouvelles aventures ? Le suspense n’est guère à son comble tant l’entreprise est d’une linéarité exemplaire.
Notre moinillon de service, guidé par son créateur, ne dévie pas d’un poil de sa mission divine, fut-il mis en présence d’une ravissante (enfin, le suppose-t-on, puisque — les garçons en seront fort marris — Maggie Q., malgré force œillades assassines, dégage un parfum aussi asexué que celui de Trinity/Carrie Ann Moss) prêtresse fin prête à balancer honneur, vertu et serment aux orties pour un peu de bonheur terrestre avec son tonsuré préféré. Et il ne sert à rien de compter sur notre renégat pour s’abandonner ainsi à tant de paresseuse lascivité car oui, le cruel est mort, les monstres éradiqués, mais où diable est la reine ? Ripley, si tu nous lis…
Bon sang mais c’est bien sûr ! Scott Charles Stewart nous tease aimablement un Priest2 (Pitié, Jésusmariejoseph et par tous les martyrs de la chrétienté, ayez grande miséricorde, tout mais pas ça). Car voici nos deux tourtereaux (vont-ils enfin conclure dans le second épisode, that is the grande question qui nous préoccupe, tant nous sommes frustrés de ne pas avoir assisté à quelques innocentes ablutions de notre héros qui camoufle son impressionnante musculature — si l’on en croit les torsions pas très catholiques auxquelles il soumet son corps — sous une soutane déprimante. Si quelqu’un(e) a lu les 16 tomes de l’œuvre de Min-Woo Hyung, merci de passer l’info) qui se refilent rencart à la station Châtelet du coin avec tous leurs copains pour mener LA bataille définitive (ou plus si succès au box-office).
En attendant, entre des dialogues en mode Die hard du pauvre, une apparition de l’inoxydable Brad Dourif, un Karl Urban manifestement amusé (il est bien le seul) à l’idée d’être passé du côté obscur de la force, quelques décès — on y empale de la bête, on y dévore les délateurs et on crucifie les curés, rien que de très banales occupations post apocalyptiques en somme —, des poursuites en moto (si passionnantes que l’on pourrait se croire dans Tron, n’était l’absence de lignes fluorescentes) dans un paysage désertique, de menus coups de griffe contre le pouvoir de l’église et de ses séides cacochymes, le film offre surtout à Scott Charles Stewart l’opportunité de réaliser un panégyrique dégoutant de l’esprit de sacrifice qui anime encore et toujours les guerriers des grandes nations.
La seule chose amusante demeurant finalement la ribambelle d’armes plus étranges les unes que les autres adaptées d’objets du culte avec lesquelles se ballade notre tatoué. Car l’on ne peut imaginer tout ce que la bible peut faire pour nous.
Mieux vaut donc laisser Priest à ses éternels tourments en 3D et aller plutôt dévorer un manhwa.
* à voir sur YouTube
Priest de Scott Charles Stewart_2011
avec Paul Bettany, Karl Urban, Cam Gigandet, Maggie Q, Lily Collins, Brad Dourif, Stephen Moyer, Christopher Plummer, Alan Dale et Mädchen Amick