Un vampire à Lollywood. A la fin des années 60, Bela Lugosi peut RIP sereinement et Christopher Lee boire goulument le sang de vierges effarouchées dans les productions de la Hammer, ce n’est certainement plus à Lahore que l’on viendra leur faire de l’ombre.
Zinda Laash est célèbre à plus d’un titre. Il est le second film d’horreur produit par Lollywood mais possède en outre le privilège d’être le seul film classé X de tout le Pakistan…
Méchamment censuré lors de sa sortie (certains dandinements de hanches plantureuses furent jugés follement vulgaires par la police religieuse) et donc amputé de la quasi totalité des scènes dansées, le film — dont la légende voudrait qu’il provoqua une crise cardiaque chez une spectatrice particulièrement sensible — a été perdu puis réhabilité et demeure comme une des rares (et belles) incursions pakistanaises dans le monde vampirique.
Réalisé en langue ourdou, et bénéficiant d’une musique quasi omniprésente de Tasaquad Hussain, Dracula au Pakistan est autant une adaptation contemporaine du Dracula de Bram Stoker qu’un démarquage tranquille d’Horror of Dracula de Terence Fisher_1958, particulièrement dans l’interprétation très expressive et sensuelle de Rehan, qui après avoir joué les apprentis sorciers, se transforme en vampire hautain, gominé et encapé.
En effet, le prologue tente d’expliquer à un public non averti — car principalement abreuvé de sombre mélodrames ou de comédies made in Bollywood — comment nait un vampire. Un professeur (impie !) à la recherche de la vie éternelle (sacrilège !) avale sa mixture et retrouve illico son créateur non sans avoir, tel un Dr Jekyll se transformant en Mr Hyde, nous avoir fait accroire que nous étions chez Stevenson… Mais non.
Bientôt, le mort est bel et bien vivant, terriblement affamé, et par le mystère d’un cruel destin, doté d’appendices dentaires démesurés. Son assistante (interprétée par Nasreen, une voluptueuse créature aux grands yeux de biche effarée) pousse, sous l’attaque, un cri déchirant tellement admirable dans sa stridente beauté qu’il sera repris par la suite dès lors qu’une scène inquiétante se déroulera. De l’art et la manière de recycler la bande son* dans un film gothique en noir et blanc…
Jonathan Harker, prénommé ici Aquil, déboule sur ces entrefaites et après (cf. la réjouissante vidéo ci-dessous) avoir résisté tant bien que mal à l’assaut hypnotique de la danse du sari de Vampirella finit sous les crocs du malin qui, tombé amoureux du portrait de sa jeune fiancée, part à la recherche de sa future épouse…
Le déroulement de l’aventure est plus ou moins respecté, le roman ayant bien évidemment été adapté selon les préceptes de la religion musulmane. Fi des superstitions (aucune gousse d’ail à l’horizon), quelques dialogues bien sentis chez les sceptiques nous font aisément comprendre qu’Allah est la seule voie et que le reste est bagatelle. Il va de soi que pour défaire l’ennemi (qui est également un as du volant, la poursuite finale au son d’une rengaine guillerette est aussi impitoyable qu’hilarante), il est totalement hors de question de brandir croix de bois et crucifix d’argent… Nonobstant, une foi inébranlable et de violents coups de poignards dans le cœur — et quelques surimpressions plus tard — viennent aisément à bout de l’horreur.
Si certains acteurs sont un peu prisonniers du sérieux de leurs personnages (surtout lorsqu’ils incarnent la voix de la sagesse), il est bon de noter qu’outre Rehan/Dracula et le naïf Asad Bukhari/Aqil Harker, l’exquise Deeba Begum — la proie — est tout à fait remarquable dans un double rôle, incarnant à la fois la prude et la rouée, la vierge et la vampire, notamment dans la fameuse scène du cimetière où elle tente de séduire une innocente enfant avant d’être libérée du maudit sort qui l’accable.
Ce qui fait bien évidemment le sel de cette production est l’amour démesuré du public pakistanais pour les comédies musicales. Ainsi, outre la danse de séduction de la goule, l’action est-elle singulièrement ralentie car entrecoupée de numéros de chants et de chorégraphies lascives pas piquées des hannetons par la grâce de visites répétées dans un night club (scènes qui frémirent sous les ciseaux hystériques des censeurs) ou d’un pique-nique champêtre…
Une curiosité donc. A découvrir.
* Nul doute que le héros de Blow out de Brian de Palma_1981 serait tombé amoureux de ce cri
NB. Pour en savoir plus sur Lollywood, l’excellent site (en anglais) de Pakistan Film Magazine
Zinda Laash/The living corpse/Dracula au Pakistan de Khwaja Sarfraz_1967
avec Rehan, Nasreen, Asad Bukhari, Alauddin, Deeba Begum, Yasmin et Habibur Rehman
Extrait. A ne pas rater : une danse sensuelle, un cha-cha-cha endiablé et une passe de bébé.