Che l’Argentin de Steven Soderbergh

Benicio Del Toro dans Che l'Argentin de Steven Soderbergh © Warner Bros. France

Poster boy. Le diptyque* de Steven Soderbergh sobrement intitulé Che n’est pas un énième biopic du style « un grand homme, sa vie, son œuvre » mais bien plutôt une réflexion sur le seul véritable amour d’Ernesto Guevara, soit la révolution considérée comme un des beaux arts.

Ce qui intéresse ici le réalisateur est l’humain derrière l’icône, sa grandeur et ses faiblesses, ses certitudes et ses doutes.

La première partie, Che l’Argentin , s’attache donc à la minutieuse description, sans esbroufe, de la marche — certes triomphale mais superbement laborieuse — qu’entamèrent en 1956 Castro et ses fidèles vers le pouvoir.

Débutant par une rencontre discrète traitée en coup de foudre mutuel — Fidel et Ernesto ne scelleront-ils pas leur pacte en se traitant affectueusement de loco (grand fou ?) — elle s’achève sur une pirouette deux heures après (quand la guerre est gagnée – à Santa Clara – et que la révolution commence selon les termes de Guevara à un de ses lieutenants) alors que le Che est à près de 300 kms de La Havane qui ne demande désormais qu’à lui tomber dans les bras.

[Et le spectateur de rester sur sa faim et de ronger son frein jusqu’à la fin du mois de janvier.]

Tout en égrenant les principes moraux et idéologiques du parfait petit aspirant révolutionnaire (de la foi ! de la volonté ! de l’endurance ! et une patience d’ange !), Soderbergh entrecoupe les scènes de jungle (souvent bercées par la voix off de Benicio Del Toro lisant les saines écritures d’Ernesto sur la guérilla) par des images d’archives de la visite du Che à New York en 1964 et de l’interview qu’il y donna (la journaliste est adroitement jouée par une Julia Ormond piquante et méconnaissable en clone de Marilyn).

Ce qui pourrait passer pour une coquetterie se révèle finalement fort judicieux, le noir et blanc dévoilant inopinément l’étonnante ressemblance entre l’acteur et son modèle, et ce, jusqu’au vertige (notamment lors du discours à l’ONU où Benicio Del Toro semble littéralement possédé).

Ajoutons à cela que Che l’Argentin bénéficie d’une distribution homogène et d’une direction d’acteurs ad hoc (avec une mention particulière pour Demian Bichir/Fidel et Rodrigo Santoro/Raul Castro).

Ceci étant posé, soyons honnête. Que serait ce film sans la présence magnétique de son interprète principal ? Armé de son exceptionnelle beauté et de son charisme, Benicio Del Toro a abordé son rôle avec ce qu’il faut d’autorité et d’humilité mêlée. Il incarne tout à la fois l’idéaliste asthmatique et l’obsessionnel intransigeant mais pétri d’humanité qu’était Guevara. Il est naturellement prodigieux (et il faut bien l’avouer, voir cette grande carcasse parfois secouée de spasmes réveille illico l’infirmière qui sommeille en chacune de nous).

Durant les quelques semaines qui nous séparent de la sortie de Guérilla, il sera bon de combler nos lacunes en relisant les écrits du Che (et notamment son Journal de Bolivie) ou en visionnant l’excellent film que Walter Salles a consacré en 2003 aux années de jeunesse de ce bon Ernesto, The Motorcycle Diaries, interprété pour la circonstance par le tout petit (mais très joli aussi) Gaël Garcia Bernal.

* en langue espagnole, ce qui est le moindre des respects, comme il l’avait déjà fait pour le segment mexicain de Traffic_2001. Il suffit de subir une seule fois la bande annonce de Walkyrie de Bryan Singer où s’ébattent Tom Cruise et la fine fleur du cinéma anglais alors que ce film traite d’une histoire profondément allemande, pour comprendre sur le champ où le bât peut blesser.

Che l’Argentin/Che Part 1 de Steven Soderbergh_2009
avec Benicio Del Toro, Demian Bichir, Santiago Cabrera, Elvira Minguez, Jorge Perugorria, Catalina Sandino Moreno, Rodrigo Santoro et Julia Ormond