Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen

Scarlett Johansson & Penelope Cruz dans Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen © Warner Bros. France

La carte vide du tendre. Le temps n’est plus où l’écoute de Wagner donnait à Woody Allen l’envie d’envahir la Pologne (réplique culte du non moins formidable Manhattan Murder Mystery_1993 où ses joutes oratoires contre sa complice Diane Keaton nous mettaient en joie). Désormais, pépère lance deux insatisfaites chroniques à l’assaut de Barcelone et des artistes du cru, aussi fats que désespérément creux, à l’image d’un scénario paresseusement filmé.

Si le début du film, l’invitation cash de Javier Bardem aux ravissantes et esseulées donzelles (Scarlett Johansson, superbe créature qui masque mal un vide sidéral et Rebecca Hall, déjà vieille avant l’heure) d’aller picorer quelques nourritures spirituelles avant de se plonger corps et biens dans le stupre, peut prêter à sourire, le sérieux désolant de cette nouvelle carte du tendre, sans distanciation aucune ni humour de bon aloi, finit de nous plonger dans les affres d’un ennui abyssal. Leurs amers jeux de l’amour et du hasard, auxquels se joint bientôt une Penelope Cruz en roue libre, sont d’une banalité confondante.

Woody Allen est décidément plus à son aise quand il s’agit de filmer des amours vachardes (exemple, les époux infernaux Judy Davis et Sydney Pollack dans Husbands and wives_1992) que de folles passions amoureuses. Quand Javier s’abandonne aux joies du sexe avec Miss Scarlett, tous deux bien planqués derrière une table de cuisine, l’eau bout dans la casserole et déborde, c’est dire si c’est torride…

Les acteurs sont à l’avenant. Dans le rôle de l’hidalgo serial lover, Javier Bardem (regard de chien battu, mâle fatigué d’avance d’avoir à lutter contre l’engeance féminine) assure le minimum syndical. Patricia Clarkson, préfiguration de l’avenir yuppiesque de Rebecca Hall, ne brille pas dans son rôle d’épouse frustrée face à l’inconsistant Kevin Dunn. Penelope Cruz (en cliché définitif de la catalane volcanique) finit de se ridiculiser dans une scène particulièrement grotesque et l’on se dit qu’un bon coup de pied au cul suffirait à calmer la virago.

Rebecca Hall (bien plus subtile alors en épouse effacée de Christian Bale dans The prestige de Christopher Nolan_ 2006 où officiait déjà sa co-star en mangeuse d’hommes) fait ce qu’elle peut pour faire exister un méchant personnage de bobo bêcheuse et bientôt rabougrie face à la bourrasque Scarlett Johansson, dont le minois est aussi gracieux que la coquille est vide (personnalité idéale donc pour jouer les tampons modérateurs entre deux amants terribles, car il n’y a — malheureusement — aucune perversité ou trouble, mais bien une certaine ingénuité conformiste dans le ménage à trois qui nous est proposé).

Ajoutons à cela que pour lutter contre un endormissement fatal, le spectateur a le choix entre : 1/ une voix off omniprésente parfaitement insupportable qui lui expose les gesticulations philosophico-psychologiques des personnages au cas où les péquenots que nous sommes n’aurions compris que pouic aux atermoiements d’une jeunesse d’une vacuité à pleurer 2/une insoutenable guitare logorrhéique qui donne sacrément envie d’aller effacer Barcelone de la carte*.

Et l’on en vient à souhaiter que Woody Allen arrête définitivement là ses pérégrinations dans la « vieille » Europe et s’en retourne à Manhattan, à l’instar de ses deux héroïnes.

* Pour mémoire, la ritournelle sirupeuse que Woddy Allen refourgue à la moindre occasion est Barcelona de Giulia y Los Tellarini.

Vicky Cristina Barcelona de Woody Allen_2008
avec Scarlett Johansson, Rebecca Hall, Javier Bardem, Penélope Cruz, Patricia Clarkson, Kevin Dunn et Chris Messina