Yumurta de Semith Kaplanoglu

Saadet Isil Aksoy & Nejat Isler dans Yumurta de Semith Kaplanoglu © Les Acacias

L’homme qui chute. Les amateurs de bruit et de fureur, de cris et de chuchotements, de batailles familiales homériques peuvent passer leur chemin.

Quand meurt une vieille femme, elle traverse l’écran et sa silhouette voutée s’efface lentement dans la brume. Quand Yusuf (aspirant poète devenu bouquiniste sans ambition à Istanbul) brusquement terrassé par le chagrin s’évanouit comme une jeune fille, c’est sans bruit.

De même l’amour qui naîtra insidieusement entre le fils prodigue et sa jeune cousine ne s’exprimera que par regards, silences, partage d’un repas (Yumurta signifie œuf en turc), voyage au pays des anciens et l’acceptation filiale du sacrifice d’un bélier ; même la bête, tuée sans colère et sans haine, s’écroule sans piper mot.

Une certaine langueur parcourt les plans comme si Yusuf, dépressif qui s’ignore, se réveillait d’un long sommeil, et, frappé par le gâchis et l’inanité de sa vie, acceptait paisiblement de reprendre sa place parmi les siens.

Perdu en pleine campagne turque, entre rêve et réalité, Yusuf affronte les démons de la culpabilité et vit une expérience quasi mystique. Victime d’une nouvelle crise d’épilepsie, il découvrira au petit jour que la chimère qu’il a combattue la veille et devant laquelle il s’est prosterné, terrifié, n’est rien d’autre qu’un gigantesque chien de berger au regard aussi mouillé que la truffe.

Ce sont des moments comme celui-ci qui font toute la beauté de ce film pudique, simple et beau comme la vie qui s’écoule et ne laisse que regrets.

© Les Acacias

Yumurta de Semith Kaplanoglu_2008
avec Nejat Isler et Saadet Isil Aksoy