Autant en emporte le drame. Martha (Sandra Hüller, une sacrée découverte) et Paul (Felix Knopp) forment un couple heureux. Ils s’aiment d’amour tendre, ont un avenir tout tracé par la formidable réussite de Paul qui les oblige — avec leur consentement mutuel — à déménager à Marseille.
Ils sont jeunes, ils sont beaux, leurs amis sont merveilleux, tagada tsoin tsoin. Tant de guimauve achèverait de nous écœurer si Paul n’avait un secret, qu’il emporte dans la tombe. Son cadavre, découvert sur un parking marseillais, est celui d’un homme qui n’existe pas.
Fin brutale d’un bonheur utopique. Désemparée, Martha repousse d’autant le travail de deuil qu’il lui reste désormais à accomplir en entamant une enquête à la recherche de cet inconnu qu’elle a follement aimé et qui semble l’avoir trompée de bout en bout. Avec, songe sans doute aucun l’épouse blessée, la complicité de ses propres amis.
C’est alors qu’en lieu et place du thriller paranoïaque empli de cris, de larmes et de révélations fracassantes que l’on attend de pied ferme, Jan Schomburg — qui signe là sa première réalisation — nous cueille en prenant le parti de la béatitude sentimentale.
A la poursuite du fantôme de Paul, Martha croise fortuitement Alexander — Georg Friedrich, vu précédemment en collègue-mentor dans Nouveau souffle de Karl Markovics — dans un ascenseur, le temps que ce dernier remette en place une mèche folle. La veuve déjà troublée de reconnaître là le tic de son cher et tendre est au comble de l’extase lorsqu’elle retrouve notre bonhomme, tout aussi incidemment, dans un autobus et y voit là un signe du destin.
Il n’est guère important qu’Alexander soit aussi blond que Paul était brun, ce sera avec lui qu’elle fera sa vie. Pardon, plaît-il ? Oui ! Oublié le Paulo, ses mensonges, son suicide et la fausseté de leurs épousailles. Disparue, la douleur de l’absence. Martha se jette voracement à la tête d’Alexander, un tantinet interloqué par cette bourrasque qui s’invite si effrontément dans sa vie, et l’entraîne — à son corps consentant — dans sa propre existence, faite de rêves et de fantaisie. Nouvel homme, nouvelle vie ? Que nenni. L’objet de l’affection change certes, mais l’amour demeure, inchangé.
Qu’importe donc le flacon, pourvu qu’Alexander soit réel — et rien de plus concret que ce professeur charmant et délicat, doté d’un vrai boulot, d’un véritable ami et accessoirement d’une maitresse — et pourvu de suffisamment d’humour, d’imagination et de tendresse pour consentir tout de go sans grande réticence aux projets d’avenir que lui impose Martha, sous prétexte de jeux de rôles.
L’amour et rien d’autre — soit, l’amour comme réflexe de survie — est un drôle d’objet, qui n’admet ni la réserve ni les questionnements. Le film repose entièrement sur les frêles (?) épaules de l’étonnante Sandra Hüller, tout aussi crédible en amante fantasque à la foufoune frétillante que profondément bouleversante dans la violence du déni.
Il est évident que le réalisateur est épris de son héroïne et n’a pas dans l’idée de la faire souffrir plus avant. Il va même jusqu’à lui offrir, après moult atermoiements, un happy end digne de sa folie amoureuse. Que l’on sera en droit — tant les faux-semblants forment la matière même du récit — de nier, en soupçonnant sur la base d’ahurissants clichés (Marseille, son port, son soleil et la voix de Khaled branchée sur Magic System) Martha de fantasmer encore.
Mais si — se demandent les amoureux de l’amour — tout cela était vrai ? Alors, Marc Levy peut aller se rhabiller.
L’amour et rien d’autre/Über uns das All de Jan Schomburg_2011
avec Sandra Hüller, Georg Friedrich, Felix Knopp, Kathrin Wehlisch et Valérie Tscheplanow