Et l’on aimera tous les affreux. La pellicule brûle certes, mais ce n’est pas une raison de cesser de s’amuser. Notamment lorsqu’il s’agit de révéler un top des 7 plus belles pourritures du cinéma… Pourquoi 7 ? Parce qu’il s’agirait, selon les tauliers, du nombre de péchés capitaux recensés…
Prenant la suite du trio infernal, voici un florilège de 10 malfaisants parfaitement infréquentables. Pourquoi 10 au lieu de 7 ? Parce que j’aime les comptes ronds.
Comme il ne peut être question de degré dans la bassesse, leurs noms vous sont délivrés tels qu’ils me sont venus à l’esprit, tout en étant entendu que le jeu consiste à éviter les doublons aux fins de répertorier de manière exhaustive les créatures les plus infectes jamais croisées sur un écran de cinéma. C’est pour cette raison vous ne retrouverez pas ici mon gredin favori (auparavant dénoncé par The waste land), soit ce bon pasteur Powell qui vaut son pesant d’hosties avariées en matière de fourberie.
Attention ! Si vous n’avez pas vu les films, sachez que tout est révélé des canailles épinglées, de leurs turpitudes à leur sombre destin.

Ellen Berent/Gene Tierney
dans Péché mortel/Leave her to heaven de John M. Stahl_1945
Ellen est belle certes, mais — outre qu’elle possède un goût douteux en matière d’homme — elle est également parfaitement siphonnée. Tombant follement amoureuse de cette endive de Cornel Wilde, et sa jalousie maladive n’ayant d’autre maître qu’un orgueil démesuré, la voilà qui décide de faire le vide autour de son cher et tendre qui ne l’entend pas de la même oreille.
Le film délirant de John M. Stahl dégorge de scènes improbables de mises en scènes morbides dont miss foldingue est l’auteur, provoquant tour à tour la noyade de son jeune beau-frère handicapé (qu’elle observera, altière, le regard dissimulé par des lunettes de soleil), une fausse couche (en se jetant délibérément dans les escaliers pour éviter de passer au second plan dans le cœur de son inconsciente moitié), puis, en guise de bouquet final, son suicide qu’elle maquille en meurtre pour faire accuser sa misérable et transparente cousine que son époux a eu l’outrecuidance de remarquer.
Il ne manquait plus qu’un final paroxystique pour que Leave her to heaven devienne un chef d’œuvre aussi vénéneux que l’interprétation abracadabrante de son interprète principale, Gene Tierney. Malheureusement, le ciel en a décidé autrement et le film s’achève sur un happy-end qui nous laisse comme un sentiment d’inachevé. Damned, encore raté !
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Tigrero/Klaus Kinski
dans Le grand silence/Il grande silenzio de Sergio Corbucci_1968
Dans le monde cruel qui régit les westerns italiens, les sadiques sont légion. Mon choix aurait donc tout aussi bien pu se porter sur El Indio/Gian Maria Volonté, bandido halluciné pour Sergio Leone (Et pour quelques dollars de plus/Per qualche dollaro in più_1965) ou sur Chaco/Tomas Milian, héros taré des 4 de l’apocalypse/I quattro dell’apocalisse de Lucio Fulci_1975…
Ce qui différencie essentiellement Tigrero (interprété par un Klaus Kinski patelin et sans doute ravi de se venger ici de l’humiliation subie dans le Leone) des gredins précités est que ce fils de péripatéticienne commet impunément ses méfaits sous couvert de justice.
Chasseur de primes sans foi ni loi, doté qui plus est d’un sourire hypocritement éblouissant et d’une voix d’une douceur inquiétante, cette charogne abat froidement ses proies (de pauvres diables affamés, plus aisés à transporter à l’état de cadavre) tout en brandissant des avis de recherche comme preuve de son honnêteté et de son bon droit. Qu’un shérif trop confiant fatigué de tant de violence gratuite en vienne à vouloir l’arrêter, il ira jusqu’à faire semblant de déféquer dans la neige pour mieux le dégommer.
Le génie de Corbucci est d’avoir opposé à cette beauté solaire sinistrement abimée par le vice et la sauvagerie, un sombre héros muet — Silence — interprété par Jean Louis Trintignant. Et la fin, outrageusement nihiliste, ne cache rien du dégoût du réalisateur pour les corrupteurs en tous genre. Tigrero n’hésitera pas à ordonner l’extermination de tout un village, malheureux témoin de ses exactions.
Et comme tout bon serial killer qui se respecte, il n’oubliera pas d’emporter l’arme de Silence comme trophée.
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Giorgio Pellegrini/Alessio Boni
dans Arrivederci amore, ciao de Michele Soavi_2006
Gare au chacal ! Il a la gueule d’un ange, mais viande froide qui ne s’en méfie…
Terroriste, révolutionnaire pouilleux vivotant dans la moiteur d’une jungle d’Amérique latine, assassin de ses pairs, collaborateur, repenti (mdr), informateur de police, racketteur de filles de joie, dealer, maître chanteur de grande bourgeoise, meurtrier de policier ripoux, gendre idéal, futur veuf, psychopathe de service… En bref, un no future ambulant pour tous ceux qui le croisent et s’essaient à empêcher le bon peuple italien d’offrir pardon et réhabilitation totale à une ordure prête à tout, y compris l’écoute quotidienne d’une ritournelle sirupeuse, pour atteindre son but.
Comme le film de Corbucci en son temps, cette dérive meurtrière d’un gauchiste revenu de tout, uniquement mu désormais par un désir de respectabilité confinant à l’obsession, n’a pas connu le succès escompté. Trop noir, trop brutal, trop immoral.
Le film de Michele Soavi ne serait cependant qu’une pelloche de plus sur les années de plomb sans l’interprétation glaciale et sans faille d’un Alessio Boni bien trop joli pour être honnête. Il faut le voir se récurer consciencieusement le corps et l’âme sous une douche bienveillante, le temps que sa jeune épouse trop curieuse — qu’il a gentiment empoisonnée — agonise en rampant vers une hypothétique sortie de secours pour ne pas oser croire à tant de cynisme. Réfrigérant (mais si bon).
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Annie Wilkes/Kathy Bates
dans Misery de Rob Cohen_1990
Annie Wilkes (et un oscar pour Kathy Bates, un !) est la fan ultime dont rêvent tous les écrivains épris de célébrité. Lectrice assidue, elle connaît vos livres par cœur, a dédié sa vie à vos héros récurrents, hypothèquerait sa baraque pour acquérir votre prochain chef d’œuvre, défendrait votre réputation becs et ongles… Bref, une perle.
A fréquenter de loin, de très loin. Échangez donc avec elle courriers divers et photos dédicacées et vous aurez la plus fidèle et énamourée des amies. En contrepartie, évitez de venir vous accidenter contre sa porte et tomber entre ses serres, et surtout, ô grand surtout, ne comptez pas trop faire mourir l’héroïne qui vous a rendu populaire et nourri depuis tant d’années parce que vous souhaitez devenir « un auteur sérieux ».
D’abord, c’est insultant pour le lectorat qui vous tient à sa merci ; ensuite, le retour de flammes/bâton/marteau/couteau/ciseau (choisissez votre arme) serait terrible.
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Tommy Udo/Richard Widmark
dans Le carrefour de la mort/Kiss of death d’Henry Hathaway_1947
Tommy Udo (première apparition mémorable de Richard Widmark), c’est la bassesse à l’état pur. Un résidu de fausse couche qui n’hésiterait pas à tirer son biberon à un nouveau né. Alors pensez donc ! Balancer mémé dans les escaliers histoire que l’ancêtre pige la leçon, ce n’est pas ce qui va l’arrêter ; sans compter qu’une handicapée dans un fauteuil roulant n’est pas trop épuisante à maitriser. Le pire est pourtant à venir.
Qu’il flingue à tout va, soit, c’est un homme de main, il fait un sale boulot et le fait bien (salement). Mais que ce tas de morve soit, à chaque coup bas, secoué d’un rire névrotique de hyène en chaleur ajoute à l’angoisse distillée par chacune de ses apparitions.
Et si ce grand mollasson de Victor Mature arrive finalement à bout de l’asticot, c’est parce que nous sommes au cinéma, et qu’il faut bien que la bête crève pour rassurer, et la censure, et les honnêtes gens.
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Martha Beck/Shirley Stoler & Raymond Fernandez/Tony LoBianco
dans Les tueurs de la lune de miel/The honeymoon killers de Leonard Kastle_1970
Si ce damné latin lover de Raymond n’avait pas enivré les sens de Martha, Cendrillon solitaire et acariâtre, il aurait continué de tomber des femmes entre deux âges, recrutées par petites annonces, les aurait délesté de leur pognon à coup d’œillades assassines et aurait vraisemblablement fini quelques années derrière les barreaux pour y expier ses rapines, à moins qu’il n’ait été abattu par une femelle un peu moins naïve ou plus rancunière que les autres…
La vie peut vous faire de ces saloperies, parfois ! Un beau jour, ce Casanova d’opérette donne un rendez-vous galant à Martha, fille revêche et un peu épaisse en manque total d’égards et d’affection. Le gredin sait s’en faire aimer à un point qu’il est loin encore de bien apprécier. Et sans même l’avoir cherché, le voilà lui aussi totalement dingo de cette femme hors norme qui va se révéler, outre une amante passionnée, parfaitement incontrôlable en matière de petites arnaques vite faites bien faites et sans bavure. Décidément fous l’un de l’autre, ces fans de Landru vont bientôt dépasser les bornes et les candidates au mariage trépasser allègrement jusqu’au point de non retour. L’amour rend aveugle certes, mais ce crétin de Raymond ayant omis de prévenir sa douce et tendre moitié de la nécessité absolue de faire goûter aux fiancées le fruit défendu, Miss Beck préfèrera — après le révoltant massacre d’une veuve et de son orpheline — envoyer son bien-aimé dans les bras lubriques d’une chaise électrique que de courir le risque de le voir à nouveau céder au péché de chair.
Unique film de Leonard Kastle, cette romance morbide entre deux désaxés n’a rien perdu aujourd’hui de son pouvoir hypnotique. Pour la petite histoire, les amants ne cesseront de s’écrire des missives enflammées jusqu’à ce que mort s’ensuive.
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Dr Christian Szell/Laurence Olivier
dans Marathon man de John Schlesinger_1976
Ce brave docteur Szell, c’est Laurence Olivier qui l’incarne avec un monstrueux aplomb. Dans deux ans, l’acteur se rachètera une conduite en endossant le costard d’un infatigable chasseur de nazi et cavalera derrière Gregory Peck, invraisemblablement casté dans le rôle de Mengele (The Boys from Brazil de Franklin J. Schaffner_1978).
Mais en attendant, il hara-kirize Roy Scheider sur un mouvement d’humeur et terrorise Dustin Hoffman qui n’y comprend que pouic en lui demandant de manière quelque peu sibylline s’il est sans danger qu’il aille récupérer son petit trésor de guerre. Is it safe? donc… Et de jouer le bon, la brute et le truand en simultané. Le pour et le contre. La douleur et l’apaisement. Ce sadique qui se pique d’orthodontie et vous salope vos bonnes molaires est un nazi, un bourreau de la pire espèce, du genre qui éradique, et l’ennemi et l’ancien ami, tout ça pour ça : une fichue mallette débordant des meilleurs amis de la femme tant loués par la Monroe et que sa dernière victime à la mâchoire martyrisée lui demandera d’avaler. Szell en croqueuse de diamant, quelle ironie !
Maintenant, soyez honnêtes, regardez à nouveau papy droit dans la curette et dites-moi… Franchement, vous lui confieriez votre dentier ?
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Guy Woodhouse/John Cassavetes
dans Rosemary’s baby de Roman Polanski_1968
Il est de bon ton de prétendre que les cruels dans Rosemary’s baby sont Minnie et Roman Castevet (Ruth Gordon et Sidney Blakmer). Et bien non ! Enfin, si, un peu quand même mais pas tout à fait.
Le vrai fumier dans cette malheureuse histoire n’est autre que Guy Woodhouse, le mari de Rosemary, à qui John Cassavetes prête son sourire charmeur, son air bonnasse et ses sourcils diaboliques. N’a-t-il pas vendu sa chère et tendre épouse à des adorateurs du démon ? Ne laisse-t-il pas la couche vide pour que Belzébuth y fasse son nid ? N’essaie-t-il pas de faire croire à la pauvrette que toutes ses hallucinations ne viennent que d’une peur bien naturelle à devenir mère à son tour alors qu’elle sort à peine de l’enfance. Pauvre type va !
Et tout ça pour quoi ? Pour passer à la télé !!! Parce que ce garçon est un aspirant acteur, de talent certes (enfin, c’est lui qui le dit parce que question crédibilité dans sa composition de mari affectueux, il approche généreusement le zéro pointé), mais que la chance ne sourit qu’aux autres audacieux alors qu’il se rêve en star interplanétaire. Alors, hop ! un p’tit contrat avec l’autre bouc ni vu ni connu je t’embrouille et j’empoche un rôle récurrent dans une série tandis que le casting premier choix casse inopinément sa pipe. En échange d’un têtard, c’est cadeau non ?
Et pour ceux qui seraient encore persuadés que tout ce qui précède n’est qu’élucubrations de femelle engrossée, je ne saurais trop leur conseiller d’aller étudier un autre grand salopard au sourire sardonique et à l’éthique élastique interprété par le même Cassavetes, soit Ben Childress, salaud patenté de The fury (Brian de Palma_1978) qui n’hésita pas à comploter un attentat terroriste dans le seul but d’abattre son « meilleur ami » aux fins de lui piquer son fiston aux pouvoirs surnaturels. Le mal à l’état pur.
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Alejandro Sosa/Paul Shenar
dans Scarface de Brian de Palma_1983
Qu’on ne s’y trompe pas. Malgré sa brutalité, son bagout et ses bijoux de famille gros comme ça, Scarface n’est qu’un enfant de chœur comparé à cette ordure propre sur elle d’Alejandro Sosa. Le bonhomme représente très exactement tout ce que le petit réfugié cubain bouffi d’ambition voudrait être et qu’il n’arrivera jamais à égaler.
Grattons un peu le vernis… Propriétaire foncier indécemment riche, bien éduqué et introduit dans la haute société, toujours tiré à quatre épingles, impitoyable homme de goût à l’accent suave, et accessoirement baron de la drogue poursuivi par la justice internationale, Sosa, sous des dehors fort policés, possède — outre une armée personnelle entièrement dévouée à son auguste personne — une qualité supplémentaire qui fait défaut à Tony Montana, et pourtant intrinsèque à leur dur métier : un manque total d’humanité.
Pour lui, abattre le juge qui lui colle aux fesses n’est qu’une élémentaire question de survie et qu’un ou deux marmots en soient les victimes collatérales, pure bagatelle. Pour avoir ressenti quelques scrupules à laisser assassiner des bambins, le proclamé « maitre du monde » cocaïné de Miami signera son arrêt de mort.
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Bobby Peru/Willem Dafoe
dans Wild at heart/Sailor et Lula de David Lynch_ 1990
Dans la famille de freaks lynchiens, il n’y a que l’embarras du choix, et du côté de Wild at heart,ces deux amours de Sailor et Lula ont fort à faire avec les invraisemblables phénomènes qu’ils rencontrent sur leur route, la moindre des fondues se révélant être la génitrice tarée de Lula, Marietta Fortune, interprétée parce qu’il faut bien rigoler un peu par Diane Ladd, maman dans le civil de cette brave Laura Dern.
Tirons la carte Bobby Peru… Non seulement ce ragondin est d’une repoussante laideur et doit refouler grave du goulot vu l’état lamentable de sa dentition (qu’on me rappelle Szell des enfers, SVP), mais le Peru se révèle finalement un odieux d’opérette résolument débectant si l’on daigne se souvenir de sa scène de chauffe catastrophique — en mode coïtus interruptus — de l’intrépide Lula en état d’orgasme permanent depuis que son Sailor l’a kidnappée à l’insu de son plein gré. Pour énoncer clairement là où le bât blesse, Bobby, c’est finalement pas le Pérou (même pas honte).
Pour résumer, il est tellement moche le vicelard, qu’on l’exterminerait joyeusement en lui écrasant sa tronche de pou dégénéré à coup de talons aiguilles. Patience… Sa connerie abyssale n’ayant d’égale que son incompétence crasse, Bobby Peru se chargera lui-même de se faire sauter le cervelet en trébuchant sur son propre fusil. Bon débarras !
Hors compétition
parce que There is no Keyzer Söze (air connu)

Keyzer Söze,
c’est Verbal Kint, l’un des Usual suspects de Bryan Singer_1995, qui en parle le mieux.
Thegreatest trick the devil ever pulled was convincing the world he did not exist. And like that… he is gone.
Verbal Kint
[Source : imdb]
CQFD.