Après eux, le déluge. Quel endroit singulier pour une si belle rencontre !
En l’occurrence, la voiture plutôt déglinguée d’Alma (Valéria Bertuccelli, vue en 2007 dans XXY de Lucia Puenzo) qui déménage, au propre comme au figuré, bloquée dans un embouteillage monstre en plein cœur d’un Buenos Aires ardu à reconnaître tant la ville semble disparaître sous une pluie (lluvia) diluvienne.
D’aucuns penseraient que l’apocalypse est proche.
C’est là que se réfugie Roberto (Ernesto Alterio, un des candidats d’El método de Marcelo Pineyro_2005), blessé à la main, et qui semble vouloir échapper à d’invisibles poursuivants. Il s’introduit comme un voleur dans cet abri de fortune pour reprendre contenance, voire laisser passer l’orage ou simplement s’extraire un instant du monde extérieur. Ce qui paraît braquage n’en est pas un. Et Roberto, l’intrus, est encore plus effrayé qu’Alma, non parce qu’elle représente une menace, mais comme interloqué de sa propre audace.
Nous sommes en Argentine, des clameurs sourdes nous parviennent difficilement comme effacées par le bruit de l’orage, cette rencontre impromptue pourrait être le prélude d’un thriller politique. Mais en l’occurrence ce que fuit Ernesto ne sont que des souvenirs et de sordides problèmes matériels à résoudre, et Alma n’a pas d’autres ennemis que ses propres contradictions.
Ernesto, bourgeois à la vie rangée et un tantinet monomaniaque dont la soupape finira par exploser dans une scène d’anthologie, a momentanément quitté sa famille espagnole pour fermer les yeux d’un père miséreux qu’il n’a guère connu. Alma, la bordélique, a quitté son compagnon dont elle ignore encore si elle porte ou non l’enfant. Ces deux étrangers que tout oppose vont se raccrocher l’un à l’autre, perdus dans une ville tentaculaire livrée au déluge, tenter de s’apprivoiser, se découvrir, et ce faisant, effectuer un point sur leur existence et rêver à un avenir qu’ils peuvent encore modeler selon leurs désirs.
Plastiquement superbe — l’humidité y est palpable — Lluvia est une parenthèse enchantée entre deux êtres momentanément en standby existentiel et que la solitude va rapprocher.
Aidée par deux subtils comédiens (et courageux ! Valéria Bertuccelli passant les 2/3 du film transie sous une pluie battante), Paula Hernández a réalisé là un film délicat et pudique sur les destinées humaines qu’il serait dommageable de rater sous le fallacieux prétexte qu’il sort en plein mois de juillet.
Bien au contraire, il ne peut qu’être judicieux en ces temps de canicule d’aller se rafraîchir sous les ondées argentines.

Lluvia de Paula Hernández_2010
avec Valeria Bertuccelli et Ernesto Alterio
Sortie le 21 juillet 2010