Extrême cinéma vol. 2 [Repérages #66]

I love Sarah Jane de Spencer Susser © Aquarius Films

 

Pour son 66ème numéro, la revue Repérages – outre deux dossiers spéciaux consacrés à la 15ème édition de L’étrange festival et au renouveau du cinéma bis – édite un second volume d’Extreme cinéma, soit 11 courts métrages internationaux gores, insolites, voire franchement zarbis.

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A noter également, en fin de magazine, une revue de détails de DVDs accompagnée de chroniques sur Mario Bava, quelques productions de la Hammer, les romans pornos de la Nikkatsu et le deuxième volume des Femmes criminelles de Teruo Ishii, en bref des films éminemment fréquentables par tous les amoureux de cinéma déviant.

© Caiman productions

King Crab attack!

de Grégoire Sivan_2008 (7’) se présente comme la bande-annonce d’un film catastrophe qui ne sortira jamais… et on peut le regretter.

Reprenant à son compte tous les poncifs du genre (station balnéaire, trauma du héros, héroïne nunuche en danger, savant fou et animaux génétiquement modifiés) et tournée en anglais, cette savoureuse parodie de Tarantula, Godzilla et autre Mothra, bénéficie d’un excellent casting (Charlotte Marin, Jean-Pierre Martins, Serge Dupire) d’où émerge un Etienne Chicot grimé en docteur Caligari.

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Mompelaar

des Flamands Wim Reygaert et Marc Roels_2007 (21’40) avec Serge Buyse (rappeur flamand dans la vie civile), est l’objet étrange le moins identifiable du DVD, de par sa longueur et son absence totale d’explication quant aux événements insolites qui se déroulent sous nos yeux…

Décidément glauque, cette (possible) relecture du joueur de flute du Hamelin en « marmonneur » — en l’occurrence, notre imperturbable personnage principal à qui il manque généreusement quelques cases et flanqué d’une mère abusive (joué par un homme… sans autre éclaircissement) et d’un bichon télépathe (!!) — finit par faire rire de peur de compatir à l’évidente souffrance qui secoue notre « héros » et qui achève de nous écœurer au vu de ses activités clairement scatologiques…

Bruno Dumont (L’humanité_1999) et Fabrice Du Weltz (Calvaire_2004) devraient apprécier… A ne rater donc sous aucun prétexte.

Interview de Wim Reygaert et Marc Roels

Oh my god!

de et avec John Bryant_2004 (9’50) opte pour le ton de la parodie absolue, geysers d’hémoglobine et dialogue minimal. Oh my god ! répète à l’infini – et jusqu’à la nausée – le héros, plutôt bas du front (l’histoire se passe au Texas… sans commentaire), qui découvrant femme et enfant baignant dans leur sang en perd tant la raison qu’en lieu et place d’apporter son aide, ne fait qu’empirer les horreurs perpétrées…

L’épilogue est plutôt malicieux et nous rend finalement indulgent pour le cabotinage éhonté du réalisateur.

Pour ceux qui souhaitent visionner cette boucherie – et qui ont le cœur bien accroché – la vidéo est disponible chez Atom.com

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Play with me

de Esther Rots_2002 (12’) avec Susanne Linssen, Bas Jacobs et Herman Kockelkoren est un superbe et fort mystérieux voyage.

Dans une campagne saturée sous un soleil de plomb, l’ambiance évoque bizarrement l’univers de Charles Burns tant les adolescents en présence semblent s’être échappés de Black hole : ainsi le garçon ne verse-t-il pas dans le nombril de la fille qu’il convoite une nuée de coccinelles ?… inquiétante étrangeté assurée. Le film n’apportera aucune réponse à ce geste insolite, de même que le spectateur ne sera pas persuadé d’assister au mieux au cauchemar d’une jeune fille à l’aube de la découverte de sa sexualité, au pire à un infanticide. Les séquences de noyade sont glaçantes.

Hypnotique et angoissant, Play with me est une belle œuvre à découvrir.

Pour information, le premier long métrage d’Esther Rots, intitulé Can go through skin (tout un programme !) était en compétition cette année à Berlin.

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I love Sarah Jane

de Spencer Susser_2007 (13’40) est un pur joyau, une création extrêmement originale – malgré le thème rebattu du zombie – et remarquablement réalisée, sur les affres amoureux d’un jeune adolescent australien dans un monde en pleine déliquescence alors que fait rage une sauvage bataille contre les morts-vivants.

Le réalisateur tourne actuellement son premier long métrage, Hesher, en compagnie de Joseph Gordon-Levitt et Natalie Portman.

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Blindness of the woods

de Javier Lourenço et Martin Jalfen_ 2008 (11’) est une charmante aberration puisant son inspiration dans les films érotiques scandinaves (sexe bucolique et développement durable).

Le fait que les comédiens (María Paula Pichersky, Nicolás Sanchez Solís et Federico Gelber) soient entièrement déguisés en poupées de laine et forniquent à tout va rend cette relecture de conte de fée – saupoudrée d’un zeste de zoophilie – particulièrement perverse…

Le court métrage et d’autres (hilarantes) petites curiosités sont disponibles sur le site d’AmautaLab.

Asomnie

Ne plus éprouver le besoin de dormir relève du fantasme absolu, mais gare aux hallucinations.

Voir Asomnie de Yann Bertrand et Damien Serban_2009 (6’30), produit par Arte, 3xPlus et Le Forum des Image et filmé à l’aide d’un téléphone portable, peut devenir une expérience intéressante pour peu que l’on se laisse séduire. Les effets spéciaux sont tout à fait étonnants.

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Monstre numéro 2

de et avec Antoine Barraud_ 2007 (36’) est une recréation de toute beauté du mythe vampirique. Images superbes, scénario cruel (étude de dentition du prédateur, succions répétées sur le corps de la bien-aimée, aspiration à la nécrophilie), Monstre numéro 2 est avant tout une magnifique histoire d’amour fou.

La simple vue d’une bouche vorace accrochée à une main gracile suffit à émouvoir et il est bon de noter que la transfiguration du corps de la victime consentante (Nathalie Boutefeu) est filmée avec autant de soins, de détails et de passion que la célèbre carcasse du lapin de Repulsion (de Roman Polanski_1966).

Rencontre avec Antoine Barraud

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Existo

de Jannicke Johansen_2008 (3’50) sur la naissance brutale puis la mort d’un élan est, de par la sécheresse de l’histoire, la froide beauté quasi clinique des images, le son très travaillé et sa durée minimale, un petit chef d’œuvre expérimental qui n’est pas sans rappeler l’Eraserhead de David Lynch_1976.
BIEN SOU************

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Bien sous tous rapports

L’effarant court-métrage (11’) – plus que dérangeant, si ce n’est dérangé – Bien sous tous rapports que Marina De Van réalisa en 1996 à la Femis, n’étonnera guère les habitués de la réalisatrice.

L’éducation très particulière qu’elle décortique avec une folle impudeur ferait certainement rire si une souffrance sous-jacente ne se faisait jour et si en définitive, le vrai sujet du film n’était l’incapacité à se libérer des carcans et le mal-être des jeunes filles encombrées de leurs corps comme de leurs passions.

Marina De Van — qui n’hésitera pas à récidiver en 2002 pour son premier long métrage Dans ma peau – paie déjà de sa personne et ajoute au malaise, puisque outre les figures pornographiques convoquées ici, elle s’est entourée de ses deux frères jouant leur propre rôle comme il se doit pour ajouter au malaise.

Dirty love

de Mathieu Tiger (un sacré huluberlu, cf. ici , chanteur et guitariste)_2009 (3’40) est un long clip psychédélique, une œuvre abstraite composée de vrais morceaux de vidéos érotiques mixées se reproduisant à l’infini et qui, à la longue, devient profondément mi-écœurante mi-fascinante. En outre, la chanson interprétée par le groupe de Mathieu Tiger est pour beaucoup dans l’addiction du spectateur.

D’autres clips sont disponibles sur son Myspace.