Le bal des actrices de Maïwenn

Le Bal des actrices de Maïwenn © SND

Le sacre de l’acteur. Après son dérangeant (et fascinant car en chacun de nos cœurs nichent les sales petits secrets d’une enfance dysfonctionnelle) Pardonnez-moi, Maïwenn (Le Besco) s’attaque à la radiographie d’un animal étrange, à poils généralement longs, plus ou moins névrosé et/ou égocentrique, répertorié sous le terme générique d’actrice*.

Il ne faut pas trop se fier à l’affiche racoleuse en diable, bien peu de ces jolies personnes dévêtues pour l’occasion cèderont à ce cliché mais il est vrai que cette image contribue à la mauvaise foi à laquelle cède trop souvent (consciemment ou non) la réalisatrice.

Prétextant un documentaire, Maïwenn nous offre en sus de confessions intimes très réalistes (Julie Depardieu mesurant son état dépressif à l’aune du nombre de fleurs qu’elle porte à ses cheveux, Marina Foïs crachant dans la soupe des Robin des Bois face à un metteur en scène sans imagination, Jeanne Balibar susurrant des mesquineries sur son ex, Muriel Robin pleurant de n’être point prise au sérieux face à un Jacques Weber se livrant à une savoureuse imitation de Louis de Funès), un kaléidoscope d’idées reçues ou de vérités bien vachardes sur les travers de ces drôles de dames et la cruelle condition d’actrice en proposant à ses comédiennes de jouer un double rôle.

Ainsi, Karin Viard se révèle être un monstre d’ambition — et nous gratifie de scènes hilarantes, grâce en soit rendue à son exceptionnel talent comique —, Mélanie Doutey interprète un clone d’Angelina Jolie, Romane Bohringer joue courageusement les cachetonneuses (et croise au détour d’une scène terriblement dérangeante, une Charlotte Valandrey méconnaissable en directrice de casting), Jeanne Balibar se came régulièrement sur son lieu de travail, Marina Foïs se shoote au botox entre deux crises de nerfs tandis que la délicate Linh Dan Pham, son César (du meilleur espoir féminin obtenu en 2006 pour De battre mon cœur s’est arrêté de Jacques Audiard) en guise de bouclier, affronte l’ire paternelle.

Pendant ce temps là, la réalisatrice se sert au mieux et se filme (le plus souvent complaisamment) au travail et dans le privé, en épouse branchée du leader de Suprême NTM.

En échange, et pour se faire pardonner sans nul doute tant de cruauté gratuite (Estelle Lefèbure a bien du courage — de l’inconscience ? — de se prêter à un jeu de massacre où elle paie de sa personne et accepte, outre un roulage de pelle exclusivement féminin très convenu, une scène de nu — passage obligé de toute aspirante actrice ? — dans un rêve érotique fort pénible, en compagnie de sa réalisatrice qui cède là à un exhibitionnisme particulièrement aigu), Maïwenn — qui connait décidément du beau linge et nous le fait savoir — offre à chacune de ses stars une mini comédie musicale filmée de manière très kitschounette (le talent de chanteuse des ¾ de ces demoiselles reste encore à prouver) et aux auteurs des chansons (Benjamin Biolay, Anaïs, Pauline Croze, Jeanne Cherhal ou Marc Lavoine) un joli clip tout prêt tout chaud à être diffusé à la télé…

Ce qui est en définitive gênant est que, contrairement à Je veux voir de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige où l’apparition de Catherine Deneuve suffisait à évoquer tout un pan de l’histoire du cinéma, on ressent plus à la vision du bal des actrices un désir revanchard (les piques lancées à Sharon Stone, star virtuelle ou aux actrices bankables) qu’un véritable amour de ce métier. Mais il nous est également difficile de juger d’un tel film puisque Maïwenn elle-même ne s’épargne pas et dans un exercice (sincère ? il est permis d’en douter) d’autodérision se fait casser du sucre sur le dos par son casting de rêve.

Finalement, les actrices qui s’en sortent le mieux sont celles qui se fichent de paraitre mal aimables : ainsi la divine Miss Rampling (on en redemande de ses duos avec Joey Starr) qui après avoir survécu si élégamment à Portier de nuit (Liliana Cavani_1974) n’a strictement rien à prouver à une gamine outrageusement gâtée, ou Karine Rocher (dont le boulot d’appoint rappelle le très beau rôle qu’elle tenait dans Stella, la gracieuse autobiographie de Sylvie Verheyde) et surtout Christine Boisson (qui n’a rien perdu, malgré les années, de sa singulière présence qui nous avait tant émus en 1980 dans Extérieur, nuit de Jacques Bral).

Nonobstant, le bal des actrices se révèle moins crispant qu’Actrices, le one névrosée woman show de Valeria Bruni Tedeschi_2007, et ce, en raison notamment de tous les talents convoqués et de l’humour ravageur qui vient régulièrement ponctuer le film. Gageons que Maïwenn deviendra un metteur en scène digne de ce nom dès qu’elle aura cessé de s’intéresser d’un peu trop près à son charmant nombril et filmera les actrices avec autant d’intérêt amoureux que celui qu’elle porte aux acteurs.

Didier Morville a.k.a. Joey Starr — particulièrement bien servi — est grandiose et bouffe tout sur son passage, y compris sa réalisatrice. Peau de vache, charmeur, langue de pute, explosif, résolument parfait en époux ricanant (la scène très drôle où il paie Maïwenn pour qu’elle accepte d’aller à un dîner d’amis restera dans les annales) et père de famille concerné (le choix du tee-shirt du fiston qui s’habille pour l’école ou la fête d’anniversaire où il vocifère semblable à un ogre joyeux au milieu des gamins mi-excités, mi-effrayés), hâbleur, tel qu’en lui-même et malgré tout très loin du personnage trop souvent mis en scène dans la presse people, il est la vraie révélation de ce ballet d’actrices.

* Et en oublie aimablement d’y convier sa jeune sœur, Isild, comédienne, productrice ET réalisatrice…

Le Bal des actrices de Maïwenn_2009
avec Jeanne Balibar, Romane Bohringer, Julie Depardieu, Mélanie Doutey, Marina Foïs, Estelle Lefebure, Maïwenn, Linh Dan Pham, Charlotte Rampling, Muriel Robin, Karole Rocher, Karin Viard, Joey Starr, Pascal Greggory et Samir Guesmi