Undercover. Une histoire vraie de Yann Demange

Richie Merritt, RJ Cyler, Jonathan Majors & Y.G. dans Undercover. Une histoire vraie de Yann Demange © Sony Pictures Entertainment Deutschland GmbH

Être né quelque part. Un scénariste inventerait le personnage de White Boy Rick, trafiquant de drogue blanc, et mineur de surcroit, dans un quartier de Detroit à majorité afro-américaine, on lui demanderait immédiatement de nous fournir quelques plants de ce qu’il a fumé.

Et pourtant l’histoire de cet adolescent manipulé par le FBI est d’une véracité absolue, d’ailleurs c’est précisé dans le titre anglo-français qui tue (non mais A.U. S.E.C.O.U.R.S. !) du dernier film de Yann Demange, réalisateur du très bon ’71 qui suivait un jeune soldat anglais plongé en pleine guerre civile au cœur de Belfast. Dans Undercover. Une histoire vraie aussi, la véritable héroïne (#jeudemot) du film est une ville, Détroit, en faillite et ravagée par la violence et le crack, qu’Yann Demange excelle à filmer.

Par contre, l’ascension et la chute de White Boy Rick, monument d’inconscience, bien qu’elle soit hors norme du fait de son jeune âge, sent un tantinet le réchauffé et a du mal à intéresser. La faute aussi peut-être à une équipe d’agents du FBI très fatigués, Jennifer Jason Leigh en tête, qui semble s’emmerder comme une rate crevée et qui tire la tronche à chaque apparition. Comment croire alors au machiavélisme de ces flics, tout aussi usés par la corruption qui règne dans leurs rangs que par la quantité sans cesse croissante de came dans les rues et l’impudence des dealers qui s’affichent, tels les clichés ambulants glorifiés dans les clips de rap.

Dans la famille Wershe, outre une grande sœur toxicomane*, on y trouve des grands-parents joués par Piper Laurie et Bruce Dern qui répond toujours présent désormais dès que l’on a besoin d’un papy haut en couleurs et un père écervelé** qui se sert de son gosse pour acquérir des armes à vil prix surjoué par un Matthew McConaughey qui n’en finit pas de nous refourguer la même composition du gars marmonnant à cheveux gras et bide à l’avenant époque True détective. Il va vraiment nous pousser à regretter le temps où il se complaisait en beau gosse souriant et tout bronzé à moitié à oilpé sur les plages tant ce transformisme est devenu routinier.

Dans le rôle-titre, Richie Merritt, 15 ans et d’une beauté crâneuse, n’a aucun mal pour sa première expérience à lui tenir la dragée haute. En définitive, ce portrait d’une certaine Amérique qui déchante vaut pour son interprétation hors pair d’un gamin livré à lui-même qui se la joue comme si sa vie était un film. Mais à trop vouloir être Scarface, il faut bien envisager le retour de bâton et accepter d’en payer un jour les conséquences. Il n’y a guère de candeur chez les dealers de crack. Ni d’amitiés qui tiennent.

Et c’est là que le bât blesse. Il ne fait aucun doute que White Boy Rick — Richard Wershe Jr. dans le civil — a été la victime expiatoire de la guerre contre la drogue enclenchée par l’administration Reagan. Arrêté avec 8 kilos de cocaïne dont il a eu du mal à prouver qu’il s’agissait de sa consommation personnelle et sacrifié sur l’autel de la morale par les joyeux marionnettistes qui l’ont mené à une autre époque par le bout du nez, il a été condamné à la perpétuité. Soit. Sa voix se fait entendre à la fin du biopic guère édifiant qui lui est consacré et s’en vient couiner sur l’injustice de la justice à son égard. Après 30 ans de zonzon, tant de naïveté effraie.

* Bel Powley, vue dans Mary Shelley de Haifaa Al Mansour)
** Personnage sur lequel il aurait été bon de s’appesantir un peu plus tant le bonhomme semble complexe


Undercover. Une histoire vraie/White Boy Rick de Yann Demange_2018
avec Matthew McConaughey, Richie Merritt, Bel Powley, Jennifer Jason Leigh, Brian Tyree Henry, Rory Cochrane, RJ Cyler, Jonathan Majors, Bruce Dern & Piper Laurie