Cinéma/Cinémas : l’effet Miroir [Questionnaire Cinématique Part II]

Peter Lorre dans M le maudit de Fritz Lang © Nero-Film AG

Miroir, miroir… Suite et fin du questionnaire du Miroir de Cinématique — où je me suis adonnée à mon péché mignon, soit la démultiplication des réponses — auquel vous pouvez ajouter votre pierre cinématographique.

Et si vous avez raté le début, rendez-vous ici.

Bonne lecture !

13. Quel regard-caméra vous a le plus touché ?

Ah ! Ah ! Cette interrogation rejoint la question 37 du questionnaire Eros & Cinéma.

Par contre, quel sens donner au terme « touché » ? Emu ? Amusé ? Troublé ? Surpris ? Révulsé ? Varions donc les plaisirs.

Le plus émouvant. Celui de Kirsten Dunst/Justine dans Melancholia de Lars Von Trier_1991.

© Les Films du Losange
© Les Films du Losange

Le plus ludique. Celui de Kôji râââh Yakusho au début de Tampopo de Jûzô Itami_1985 venant doctement nous expliquer que rien ne vaut une bonne bouffe devant un excellent film [Je plussoie].

© Itami Productions
© Itami Productions

Le plus troublant. Celui de James Stewart dans Vertigo de Alfred Hitchcock_1958. Scottie nous regarde certes, mais épie également Madeleine/Judy/Kim Novak — qui se sachant pertinemment doublement observée contemple le hors champ — dont nous apercevons le reflet dans la glace.

© Paramount Pictures
© Paramount Pictures

Le plus surprenant. Celui de David Hemmings, image de fin Profondo rosso/Les frissons de l’angoisse de Dario Argento_1975 reflété dans une flaque de sang.

© Rizzoli Film
© Rizzoli Film

Le plus révoltant. cf. question 16 ci-dessous.

14. Quelle séquence en caméra subjective vous a le plus marqué?

Le voyeur/Peeping Tom de Michael Powell_1960 qui invite le spectateur à devenir tour à tour victime et bourreau. Puis victime. [Ça finit très mal… Oui, je spoile].

© Michael Powell Theatre
© Michael Powell Theatre

15. Existe-t-il un remake que vous appréciez ?

The thing de John Carpenter_1982 [dont le remake de 2011 est à chier, inutile de retenir le nom du réal’], d’après La chose d’un autre monde/The thing from another world_1951 de Christian Nyby et Howard Hawks.

© Universal Pictures
© Universal Pictures
© RKO Pictures
© RKO Pictures

Sans oublier la relecture sous acide de Bad lieutenant de Abel Ferrara_1992 avec l’hallucinant Harvey Keitel, par Werner Herzog en 2009 — Bad lieutenant : escale à la Nouvelle Orléans/The bad lieutenant: port of Call New Orleans — avec l’halluciné Nicolas Cage.

© Pyramide Distribution —
© Pyramide Distribution — Edward R. Pressman Film

16. Un que vous détestez ?

Funny games U.S. de Michael Haneke_2007 d’après lui-même [destiné à ceux qui n’auraient pas compris lors de la première mouture] ; cent fois plus répulsif que l’original, de par la morgue du réalisateur et la manipulation autrement plus outrancière. D’une complaisance et d’une vacuité abyssales. A vomir.

Ci-dessous les regards caméra [Question 13] nous rendant complices de leur future forfaiture de Arno Frisch [Funny games_1997] et Michael Pitt [Funny games U.S._2007].

© Les Films du Paradoxe — Warner
© Les Films du Paradoxe – Warner

P.S. A noter que si — en accord avec la rumeur — on remake Videodrome, j’égorge une portée de chiots !

17. Quelle est votre image ou séquence favorite parmi celles faisant allusion, au sein d’un film, à un autre film ?

L’ineffable Vincent Gallo dans Arizona dream de Emir Kusturica_1992 mimant pour une audition, puis rejouant avec le plus grand sérieux du monde l’agression par un biplan de Thornhill/Kaplan/Cary Grant dans La mort aux trousses/North by Northwest de Alfred Hitchcock_1959 [quand il ne récite pas les dialogues de Raging Bull de Martin Scorsese_1980 devant un écran géant où est projeté le film].

© Warner Bros Pictures
© Warner Bros Pictures
© Warner Bros Pictures
© Warner Bros Pictures

Et pour en finir avec l’ouroboros, dans l’épilogue de L’antre de la folie/In the mouth of madness de John Carpenter_1994, John Trent/Sam Neill prend conscience qu’il n’est qu’un pur personnage de fiction lorsqu’il assiste à la projection de In the mouth of madness, soit l’adaptation des mésaventures qu’il vient de vivre et dont nous avons été les spectateurs.

© New line cinema
© New line cinema

18. Citez votre scène préférée parmi celles utilisant un miroir

Deux choix prédominent — pour plus de parité.

Chez les filles, Constance Towers se refait une beauté sur le générique de The naked kiss de Samuel Fuller_1964 après avoir généreusement tatanné le mac qui l’a tondue [à 1’25]. Plus tard, lorsqu’elle aura changé de vie [et que ses cheveux auront repoussé], elle aura peine à se reconnaître, voire tentera de déchiffrer sur son visage les stigmates de son existence passée.

© Leon Fromkess-Sam Firks Productions
© Leon Fromkess-Sam Firks Productions
© Leon Fromkess-Sam Firks Productions
© Leon Fromkess-Sam Firks Productions

Chez les garçons, Michael Caine scrute son image dans les miroirs de son cabinet, implacables observateurs de sa schizophrénie, dans Pulsions/Dressed to kill de Brian de Palma_1980, haut fait d’armes voyeuriste sur le double et la dissimulation où, comme chez Fuller, les surfaces réfléchissantes abondent, tant les personnages ne sont jamais ce qu’ils prétendent être, y compris lorsque nous sommes les témoins privilégiés d’un crime.

© Filmways Pictures
© Filmways Pictures
© Filmways Pictures
© Filmways Pictures

19. Avez-vous le souvenir d’une apparition involontaire de l’équipe de tournage à l’image ?

Je ne fais pas très gaffe aux gaffes, sauf lors de grossières erreurs de raccord, mais auquel cas, il faut lapider la scripte, le monteur et le réalisateur. Passons.

Nonobstant, en voyant pour la première fois le très musical Ce cher mois d’août/Aquele Querido Mês de Agosto de Miguel Gomes_2008, il a fallu que je me pince quand, à ma grande surprise, le réalisateur et son scénariste ont débarqué dans le plan tout en papotant casting et budget. Si l’on en croit ce petit plaisantin de Miguel Gomes,  Ce cher mois d’août est né des suites d’un désastre financier et d’un désir irrépressible de cinéma. Ne pouvant mettre en scène la fiction prévue, Miguel Gomes décide de tourner un documentaire qui, en définitive, s’achèvera en docu-fiction radicalement absurde, où apparaissent indifféremment dans le champ les héros de l’histoire, l’équipe, d’aspirants-acteurs, voire la caméra à l’abandon, les techniciens [du film dans le film] mourant manifestement plus d’envie de se mêler à la fiesta ambiante qu’à l’immortaliser sur pellicule. Le tournis nous prend donc rapidement, le métrage s’amusant jusqu’à plus soif de la dualité de chaque personnage, selon qu’il joue le rôle qui lui a été attribué (fiction) ou qu’il intervienne pour ce qu’il est (documentaire) et ce n’est pas le moindre charme de Ce cher mois d’août que de brouiller ainsi les cartes.

© Shellac Films
© Shellac Films

20. Quelle est votre préférence parmi les actrices/acteurs ayant joué plusieurs rôles dans le même film ?

Même châtiment (ou presque) que pour la question 18.

Un acteur ? Jeremy Irons dans le rôle des jumeaux Mantle de Faux semblants/Dead ringers de David Cronenberg_1988.

© Morgan Creek Productions
© Morgan Creek Productions

Et un accessit pour Alec Guiness qui interprète les huit membres de la famille d’Ascoyne dans Noblesse oblige/Kind Hearts and Coronets de Robert Hamer_1949.

© Ealing Studios
© Ealing Studios

Une actrice ? Patricia Arquette dans Lost highway de David Lynch_1997

© Ciby 2000
© Ciby 2000

21. Quel est pour vous l’interprète idéal d’un personnage décliné par plusieurs films ?

Un rôle masculin. Basil Rathbone, inégalable Sherlock Holmes [talonné par Nicol Williamson dans Sherlock Holmes attaque l’Orient-Express/The seven-per-cent solution de Herbert Ross_1976] dans les films de Roy William Neill face à Nigel Bruce/Dr Watson dans les années 40.

© Universal Pictures
© Universal Pictures

Un rôle féminin. Quentin Crisp les coiffe toutes au poteau dans le rôle de la reine Elizabeth I en ordonnant à Orlando/Tilda Swinton qu’il lutine de ne jamais vieillir dans le film éponyme de Sally Potter_1992 [Pouf ! Bette Davis se retourne dans sa tombe].

© Adventure pictures
© Adventure pictures

22. Parmi les cinéastes ayant fait l’acteur chez les autres, qui mérite d’être retenu ?

Samuel Fuller le stakhanoviste [notamment chez Wim Wenders qui n’a jamais dédaigné embaucher des cinéastes pour assurer des rôles dans ses films], expliquant par l’intermédiaire d’une traductrice à Jean-Paul Belmondo ce qu’est exactement le cinéma [à 0’26] dans Pierrot le fou de Jean-Luc Godard*_1965.

© Films Georges de Beauregard
© Films Georges de Beauregard

* Qui s’était offert Fritz Lang  — dans le rôle d’un metteur en scène désabusé nommé Fritz Lang — pour Le mépris_1963.

© Ciné Classic
© Ciné Classic

23. Quelle apparition d’un réalisateur dans son propre film vous semble la plus mémorable ?

David Cronenberg en obstétricien accouchant Geena Davis, enceinte des œeuvres de Seth Brundle/Jeff Goldblum, d’une énorme larve dans le cauchemar que fait l’héroïne de La mouche/The fly_1986.

© Brooksfilms
© Brooksfilms

24. Quel est à vos yeux le plus grand film sur le cinéma ?

Le diptyque [Oui, je triche, j’aime bien] de Vincente Minelli avec Kirk Douglas (dans deux rôles aux antipodes, producteur et acteur) : Les ensorcelés/The bad and the beautiful_1952 et Quinze jours ailleurs/Two weeks in another town_1962, qui est encore meilleur que son illustre prédécesseur qu’il évoque à maintes reprises. Rien ne se perd, tout se recycle, surtout les références cinématographiques.

© MGM
© MGM

Le dernier reflet [Conclusion de la rédaction]

Attention *spoiler*.

Le miroir menteur/révélateur de Profondo rosso/Les frissons de l’angoisse de Dario Argento_1975

 Rizzoli Film
© Rizzoli Film