Miroir, miroir… Après ses deux enquêtes sur L’érotisme et La mort au cinéma, Ludovic, taulier de Cinématique, nous a concocté pour 2013 (année nombriliste narcissique ?) un petit questionnaire du miroir en 24 interrogations. N’hésitez pas à lui rendre visite.
Suivent ici mes réponses aux questions [très personnelles] 1 à 12. La seconde partie, plus cinématographique, sera vraisemblablement postée en fin de semaine.
1. Avez-vous déjà accroché chez vous une affiche de film ?
Ma chambre en était tapissée dans ma prime jeunesse entre deux portraits d’acteurs. Puis, à Paris, celle du Festin nu/The naked lunch de David Cronenberg camoufla un pan entier de mur depuis la sortie du film en 1992 et ce, jusqu’au XXIe siècle, lorsqu’il me vint l’envie de refaire les peintures.

2. Quelle(s) affiche(s), placardée(s) à l’intérieur d’un film, préférez-vous ?
Je me suis permise de pluraliser le terme d’affiche puisque lorsque je songe au Mépris de Jean-Luc Godard_1963, l’affiche italienne de son Vivre sa vie/Questa e la mia vita_1962 est cernée — Excusez du peu ! — par celles d’Hatari! d’Howard Hawks_1962, de Vanina Vanini de Roberto Rossellini et de Psychose/Psycho d’Alfred Hitchcock_1960.

3. Avez-vous une salle de cinéma régulière ?
Depuis ma tendre jeunesse et ce, pendant une quinzaine d’années, l’Olympia, cinéma de quartier au double programme [Bonheur !] et où le rideau s’ouvrait sur l’écran, sis à Casablanca.
Arrivée à Paris, outre la Cinémathèque, j’ai parfait mon éducation américaine à l’Action Lafayette du 9, rue Buffault dans le 9e, depuis bien longtemps remplacé par un dispensateur de nourritures autrement plus terrestres.
Désormais, bien que me partageant entre une tripotée de salles parisiennes [le film préside souvent au choix de la salle], je ne rate quasiment jamais une sortie au Max Linder Panorama et l’on m’y trouve tout en haut, au poulailler, qui est comme chacun sait la place favorite des enfants du paradis.

4. Quelle salle de cinéma, présente dans un film, préférez-vous?
Le Strand, investi par Lawrence Woolsey/John Goodman, ses inventions foutraques à la William Castle et son Mant! mi-homme mi-fourmi dans Panic sur Florida Beach/Matinee de Joe Dante_1993.

5. Avez-vous un souvenir marquant dans une salle de cinéma, n’ayant pas de rapport avec le film projeté ?
Mes narines surtout, alors que débutaient les années 80. Et ce, grâce au cinéma Le Brady, plutôt folklorique à l’époque, que ce soit par sa programmation ou sa clientèle.
Etant partie hardiment avec une amie à la découverte de Suspira de Dario Argento_1977 programmé — damned ! — après un film de blaxploitation, nous nous trouvâmes fort dépourvues lorsqu’en pénétrant dans cet endroit puant éperdument le bouc en rut, nous constatâmes être les deux seules orphelines jeunes filles du coin. Nous devions peu ou prou ressembler à ceci :

Blotties au fond du cinéma, prêtes à nous enfuir au moindre danger, nous patientâmes devant une chose dont nous aurions bien été incapables à la sortie d’en fournir le titre ou l’intrigue. Tout au plus aurions nous pu préciser le lamentable état de la copie (foncièrement rayée et d’un jaune pisseux bien peu avenant).
Car, tandis que l’odeur infâme embrumait notre esprit, dès les lumières éteintes, une intrigante pantomime vit le jour et nous occupât l’imagination une bonne partie du métrage. En effet, les spectateurs disséminés dans la salle, masquant à maintes reprises effrontément l’écran, passèrent plus de temps à se succéder dans les toilettes — de charmantes effluves chatouillaient délicieusement nos nerfs olfactifs qui rendaient peu à peu l’âme dès lors que la damnée porte s’ouvrait vers le lieu d’aisances (qui manifestement n’avait jamais aussi bien porté son nom) — qu’à applaudir à l’aventure virile menée par Fred Williamson et consorts. En innocentes donzelles que nous étions, nous mîmes quelques mois de réflexion à piger le pourquoi du comment.
Cet épisode mis à part, nous fûmes enchantées du Dario que personne ne nous gâcha puisque tout ce joli monde fila pendant l’entracte.
Pour la petite histoire, je redécouvrais enfin ce fameux film trois ans plus tard sur VHS. Il s’agissait de Une poignée de salopards d’Enzo Castellari_1978, plus célèbre aujourd’hui sous le titre The inglorious bastards.
Ceci mis à part, je n’ai jamais plus, ô grand jamais, remis les pieds au Brady.

6. Avez-vous déjà assisté à un tournage ?
Un jour de 1974, par pure inadvertance — et un poil de curiosité, un étrange brouhaha nous parvenant de la rue — j’ai soulevé le rideau du salon pour me retrouver nez à nez avec l’équipe de Blake Edwards qui tournait dans l’Avenue Hassan II une scène cruciale du Retour de la panthère rose/The return of the pink panther. Sommée de bien vouloir ne pas sortir sur le balcon le temps de la prise, j’ai refermé la fenêtre, à peine intriguée par les câbles enchevêtrés et le bordel organisé qui semblait régner au dehors. Je me suis bien plus amusée à pister les monuments de la ville lorsque j’ai vu le film quelques années après.
Indifférente à la cuisine, je ne regarde de manière générale jamais les making of, préférant de bien loin la magie de l’écran à la banalité crue des explications de texte.

7. Qu’avez-vous filmé dont vous soyez le plus satisfait ?
Il y a quelques années, lors d’une manif, je me suis muée en Lelouch épileptique (ET j’ai abîmé le matos). Ça a définitivement calmé mes ardeurs documentaristes.
8. Avez-vous une anecdote véridique à nous conter, vous mettant en scène avec une personnalité du cinéma ?
Mes fantasmes ne regardent que moi — et accessoirement, ceux que j’y invite. Merci.
9. Quelle personnalité du cinéma aimeriez-vous rencontrer pour nourrir une telle anecdote ?
Pas de commentaire intempestif. Cf. réponse 8.
En guise de précision — comme il est dit dans L’homme qui tua Liberty Valance de ce cher Ford, « when the legend becomes fact, print the legend » —, je préfère, et de loin, garder les illusions que j’ai de mes idoles que de les voir choir de leur piédestal en les approchant de trop près.
10. Quel est le personnage cinématographique le plus proche de ce que vous êtes, ou de ce que vous avez été ?
Il fut un temps où j’étais bien partie pour faire Collectionneuse :

Mais un jour naquit l’ennui. Je décidais donc d’être une emmerdeuse siglée JLG [alors qu’en vrai, j’aurais tant aimé m’appeler Ferdinand] :
Pourtant une tendance maniaco-dépressive [assortie de trop d’apocalypses avortées et d’une sainte horreur des traditions] m’ont contrainte en vieillissant à contrefaire l’air aimable de la fille perdue cheveux gras qui rêve entre deux pendaisons et un saut dans le vide à appuyer sérieusement sur le bouton. Soit Justine/Kirsten Tirezmoiuneballe Dunst dans Melancholia de Lars Von Trier_1991.

Ce qui précède vaut pour la légende.
Dans la réalité, je suis Zézette, épouse X. Les décors sont de Roger Harth et les costumes de Donald Cardwell.

11. Avez-vous une quelconque ressemblance physique avec une actrice ou un acteur ?
Malheureusement aucune, mais ce n’est pas faute d’avoir essayé…

12. Apparaissez-vous réellement dans un film ?
Hormis les films en super 8 du paternel indulgent ? Aucun et j’en suis fort aise. Je n’impressionne guère la pellicule.
A suivre…