Des films et des dieux à l’aune de la cinéphilie [Questionnaire Cinématique] — Q. 11 à 20

Dogma de Kevin Smith © View Askew Productions

De la religion 2/2. Suite et fin du petit questionnaire cinématographiquement religieux proposé par Cinématique.

Si vous avez raté le début, vous trouverez les réponses aux questions 1 à 10, ici.

Bonne lecture et n’hésitez pas à aller soumettre vos réponses directement à Ludovic sur son site, ou pour les timides, en commentaire ci-dessous.

11. Sous les traits de quelle actrice, aimeriez-vous voir une apparition de la Vierge Marie ?

Euh. J’aimerais pas. Évitons de nouveaux biopics par pitié. Mais s’il n’en fallait qu’une, alors la divine Julianne Moore qui peut tout jouer sans perdre de sa superbe et qui ferait, n’en doutons pas, une sublime pietà.

N.B. à l’attention des costumiers. Prévoyez la bonne mesure d’étoffe, évitons les polémiques. Merci.

12. Dans quelle œuvre avez-vous trouvé dépeint le plus fidèlement un rituel religieux ?

© Instituto Cubano del Arte e Industrias Cinematográficos
© Instituto Cubano del Arte e Industrias Cinematográficos

La Dernière Cène/La última cena de Tomás Gutiérrez Alea_1976 où un riche propriétaire sucrier parfaitement frappadingue lave les pieds de 12 de ses esclaves avant de les inviter à sa table pour fêter Jeudi Saint en son auguste compagnie. Inutile de préciser que le vendredi ne sera pas en odeur de sainteté.

13. Un miracle vous permet d’entrer véritablement à l’intérieur d’un film : lequel ?

Le véritable prodige serait tout de même de pouvoir y entrer et en sortir à volonté. Et ainsi, de changer de film (Oui, je triche. Pourquoi ?).

© 20th Century Fox
© 20th Century Fox

La mélodie du bonheur/The sound of music de Robert Wise_1965, à l’ultime condition que l’on colle moins de bambins au casting. D’abord, j’apprendrais la musique et le chant, arts pour lesquels je n’ai aucun don IRL, ensuite, ça me permettrait sans doute de l’approcher et d’y goûter un peu, à ce fichu bonheur dont on cause tant mais qu’on ne voit jamais !

© New Line Cinema
© New Line Cinema

Ou retrouver Aragorn dans les hautes terres du milieu me conviendra tout aussi bien. Et ici, le miracle serait qu’il se déniche un shampoing aux œufs me prenne pour une elfe (C’est pas gagné. NDLR).

14. Quel est votre diable préféré ?

© Productions André Paulvé
© Productions André Paulvé

Sans contexte, ce damné fourbe de Jules Berry dans Les Visiteurs du soir de Marcel Carné_1942 qui se marre à l’idée qu’un autre nom puisse affleurer.

15. Avez-vous découvert une religion grâce au cinéma ?

© Daiei Studios
© Daiei Studios

A un âge tendre et rebelle, l’animisme avec Dersou Ouzala de Akira Kurosawa_1975. Parler aux tigres, toussa, j’aimais bien l’idée. Comme y en avait pas trop dans mon coin, je me suis mise à causer aux murs et aux cailloux mais bon, comme « ça ne se fait pas de parler toute seule », j’ai arrêté la religion. Depuis, j’ai un smartphone.

© Polygram Filmed Entertainment
© Polygram Filmed Entertainment

A un âge moins tendre mais toujours rebelle option fatigue, le dudeisme grâce à The big Lebowski de Joel et Ethan Coen_1998 qui préconise quelques singulières pratiques tout à fait enthousiasmantes pour peu qu’on parvienne à s’y soumettre.

16. Quel est à vos yeux le plus grand cinéaste chrétien ?

Carl Theodor Dreyer. La passion de Jeanne d'Arc. Dies irae. Ordet © DR
Carl Theodor Dreyer. La passion de Jeanne d’Arc. Dies irae. Ordet © DR

Carl Theodor Dreyer. Le plus grand (avec Andreï Tarkovski, tout contre). Mais je préfère le qualifier de cinéaste mystique.

Alors va pour Pier Paolo Pasolini, cinéaste marxiste.

17. Dans la république islamique imaginée par Michel Houellebecq dans son dernier roman, Soumission, quels cinéastes ou quels films auraient, à votre avis, droit de cité ?

Cela fait un sacré bout de temps que je n’ai pas ouvert un Houellebecq. Fin de l’aparté.

Avec les exécutions publiques, le spectacle de rue sera en plein revival. En contrepartie, je crains fort que le cinéma, entendu comme invention diabolique créant des idoles à longueur de métrage, n’y soit ni plus ni moins interdit de séjour. Tout au plus quelques bandes d’actualités hagiographiques seront tolérées et nous verrons alors les tâcherons habituels s’y plier.

18. Quel(s) films) vous obligerait-on à revoir sans cesse si vous séjourniez aux Enfers ?

Michael Haneke: Ma vie/Mein Leiben de Felix and Gero von Boehm_2009 © DR
Michael Haneke : Ma vie/Mein Leiben de Felix and Gero von Boehm_2009 © DR

Je vais éviter de souffler à qui que ce soit le nom de Michael Haneke, réalisateur des plus badins, qui me fait déjà assez souffrir ici bas.

Mais il est à craindre que le véritable enfer soit de ne plus voir de films et ce, jusqu’à la fin des siècles. Je m’y prépare chaque jour.

19. Étant entendu que la cinéphilie est pour vous une sorte de religion, quel en est le dieu ? Le (ou les) prophète(s) ? Les rites principaux ?

Au commencement du cinéma était la Lumière. Et deux frères naquirent pour la dompter. Et vlan pour les partisans du dieu unique ! C’est ainsi que surgirent les guéguerres car moult prophètes les suivirent, et de bien faux, itou. Le bon goût du cinéphile étant d’apprendre au plus tôt à séparer le bon grain de l’ivraie. Et sa marotte de bâtir des chapelles sur lesquelles se battre (s’ébattre ?) stérilement… Ou d’établir multitude de tops.

Le seul rite — en sus de ne jamais rentrer dans une salle quand le film a commencé et de m’y asseoir au fond, près de la sortie mais n’étant guère ayatollah, je sursois souvent à cette seconde règle — que je m’impose volontiers est de voir au moins un film par jour, au cinéma ou en DVD. Plus, quand il m’est permis. Mais c’est péché, je sais.

20. Y-a-t-il une scène ou un film qui ait un jour choqué vos convictions, que celles-ci soient de nature religieuse ou non ?

En partant du principe qu’il y a certains films qu’il est préférable de ne pas voir trop jeunes, ou seul(e)s. A chaque âge, suffisent ses découvertes. Et encore, je ne crois pas avoir jamais été « choquée », plutôt émoustillée, effarée ou attristée.

Donc, non, parce que ça n’est jamais que du cinéma.

Nonobstant, parfois, certains machins me désolent. Mais je m’en remets vite, en regardant un autre film.

Le chant de la fin